Les violences et les discriminations en milieu scolaire
Des dizaines de situations dans l'enseignement agricole documentées pour pouvoir réfléchir, prévenir et agir !
Violences hors-ecole
Agir contre des exclusions liees a la precarite
Violences sociétales Prévenir et éduquer
De la précarité au phénomène d'exclusion
Témoignage
Lucas est arrivé en seconde au lycée. C’est un élève motivé par la filière choisie, qui s’intègre au groupe classe, et dont ni le comportement, ni les résultats scolaires ne posent question. Il est demi-pensionnaire.
En classe de première, Lucas est de moins en moins présent en cours, ses résultats scolaires sont juste corrects et ses camarades de classe commencent à s’éloigner de lui, voire même ne plus vouloir le fréquenter. Le Professeur Principal (PP) et la Conseillère Principale d’Éducation (CPE) reçoivent Lucas en entretien qui affirme que tout va bien. Lors de cet entretien, ils notent que Lucas sent fort et que ses habits ne paraissent pas très nets. Ils demandent à Lucas de faire des efforts par rapport à son absentéisme et ses résultats scolaires. Or, au moment du conseil de classe du second trimestre, le constat est unanime : manque de travail, de concentration, exclusion du groupe classe et surtout un absentéisme trop important. Le PP et le CPE proposent à l’équipe de s’entretenir avec la famille.
Lors de cet entretien, Lucas s’engage par écrit à faire des efforts devant sa maman. C’est effectivement le cas, et l’année scolaire se termine.
A la rentrée suivante, dès les premières semaines, Lucas est absent régulièrement (au moins 1 jour sur 2). Les différents entretiens ne mènent à rien. Une commission éducative est réunie afin de s’emparer en équipe du problème en présence de Lucas et de sa famille (il est en effet primordial d’associer la famille et de ne pas penser à leur place). La CPE, grâce aux délégués de classe, arrive néanmoins à comprendre que la situation financière de la maman de Lucas et de son beau-père est désastreuse, qu’ils vivent dans un mobil home sans eau, ni électricité, que ses camarades ne supportent plus son odeur, et que c’est pour cette raison que Lucas ne vient presque plus, préférant traîner dans un café pour jouer à des jeux vidéo.
La commission éducative prend donc la décision de proposer à la famille une intégration de Lucas à l’internat (pour mettre fin à son absentéisme et permettre une (re)socialisation de ce dernier). Un dossier de bourse est monté en urgence pour faire face au coût de l’internat, corrélé à une demande de FSL (Fonds Social Lycéen) pour compléter le dispositif ainsi qu’une mise en relation avec les services sociaux pour aider la famille à trouver des solutions pérennes. Cet accompagnement avec la famille a permis de créer du lien famille-école, mais surtout d’aider à obtenir les aides financières auxquelles cette famille avait droit, ainsi que la mise en place d’un suivi avec les services sociaux qui ont pu accompagner à plus long terme la maman dans sa parentalité.
Lucas a intégré la semaine suivante l’internat. Les camarades l’ont accueilli. Les jeunes sont rentrés spontanément en relation avec leur camarade, puisqu’il n’y avait plus d’obstacle (problème d’hygiène résolu).
Ces situations complexes de précarité sont très "délicates" à traiter car elles font se rencontrer la sphère intime, la famille et l'institution. Si le problème rencontré dans l'établissement s'adresse explicitement au jeune en tant qu'élève, pour autant il peut caché un problème plus global dans la vie du jeune. Il convient d'avoir en tête quelques questions-clés avant d'entamer toute procédure ou toute forme d'entretiens :
1. Si les symptômes relèvent d'un absentéisme ou d'une forme de décrochage, quelles en sont les causes ? Qu'est-ce qui les motivent ? Quels sont les leviers et les freins à envisager dans la relation avec le jeune ou sa famille ? Comment opérer avec le jeune d'une part, avec l'équipe enseignante, la vie scolaire, la famille de l'autre ? Comment glaner des informations et les recouper ? Comment mettre en place des outils de remédiation avec le jeune et non pas seulement pour lui ?
2. Si une forme d'exclusion du jeune est visible, quelles en sont les raisons et pourquoi ? Quelles causes et quelles conséquences sont identifiables ? Dans quel contexte ? Quels en sont les éléments déclencheurs ? Comment cette exclusion s'exprime -t-elle ? Mais tentez aussi de déceler les situations favorables au jeune qui génèrent de l'inclusion, aussi anodines soient-elles. Les dispositifs d’aide ou d'accompagnement, le rôle de l’école sont à penser en contexte. Il n'existe pas de réponses univoques.
3. Si vous percevez un sentiment de honte, un problème d'hygiène ou un problème relevant de la dignité, il est impératif d'accompagner, de mettre en place des solutions concrètes (dans notre situation, intégrer le jeune à l’internat). Au delà de la réponse apportée, la posture à tenir dans le processus de changement est majeur : une posture d'accueil, sécurisante et bienveillante prime souvent sur la réponse elle-même qui sera choisie.
Il s'agit donc de ne pas fermer les yeux, de ne pas avoir des stratégies d'évitement, mais au contraire d'affronter le problème avec le jeune (et la famille si possible), pour ne pas le laisser s’exclure. Et si le problème ou la précarité sont trop installés, il ne faut pas hésiter à établir une "Information Préoccupante" auprès du Conseil Départemental. Celle-ci peut conduire à avoir un relais pour aider la famille à trouver des solutions.
4. Enfin, si des changements sont perceptibles, ceux-ci ne conduisent pas nécessairement à un processus de ré-inclusion chez l'ensemble des acteurs. Il peut être nécessaire de travailler avec l'élève sa ré-inclusion dans le groupe, voire avec l'équipe éducative... Elle peut être difficile pour un jeune qui a été exclu et qui peut continuer à se sentir en difficulté dans son groupe de pairs ou avec les adultes. Reconstruire l'estime de soi par tous les biais possibles en interne ou avec l'aide de partenaires extérieurs est une finalité à ne pas négliger.
Brighelli, J.P. (2023). L'école à deux vitesses. L'Archipel.
Rivière, T. (2023). La distinction. La découverte.
Zaouche Gaudron, C. (2017). Enfants de la précarité. ERES.
FAQ
Comment aborder le sujet quand la demande ne vient pas de l'élève?
Il est particulièrement difficile pour les élèves, dans des situations de précarité, de demander de l'aide. Pour autant, c'est le rôle de l'institution de favoriser le bien-être et le bien vivre des apprenants. Il ne faut pas hésiter à aborder le problème avec l'enfant et surtout à ne rien cacher des démarches que vous souhaitez mettre en place en travaillant avec les parents ou tuteurs afin de rendre tout le monde acteur de l'accompagnement. Vous pouvez lui faire part de votre étonnement, de votre inquiétude, de votre impression, de votre ressenti, pour ouvrir une porte à un dialogue possible. Si la personne s'obstine à ne pas vouloir parler, il s'agit de ne pas insister, de lui montrer que si lui n'a visiblement pas de problème, vous continuez à vous inquiéter, et que votre porte reste ouverte.
Si les parents ou des tuteurs sont inexistants, que faire ? Quelle est votre marge de manœuvre ?
Il est important alors de se rapprocher des services sociaux du secteur, de la mairie du lieu de résidence, et d'avoir recours à une information préoccupante. Nous avons en effet une obligation de signalement pour toute situation considérée dangereuse pour l'enfant.
Comment faire en sorte de valoriser des parents défaillants ?
Il est important de toujours tenter de les associer, de les informer, de ne rien leur cacher sauf si vous soupçonnez des formes de violences parentales, auquel cas, n' - hésitez pas à faire un signalement (pour plus de détails, vous pouvez consulter la fiche "réaliser une information préoccupante" et "réaliser un signalement"). Des parents défaillants peuvent exprimer une forme de culpabilité qui peut se traduire par différents mécanismes de défense : banalisation, déni, agressivité, ... Il s'agit donc de ne pas les culpabiliser, d'être dans une posture d'accueil, sans pour autant renoncer à faire ce qui vous paraît important pour améliorer la qualité de vie de l'enfant.
Comment aborder des problèmes d'hygiène?
Une tendance naturelle est d'avoir une stratégie d'évitement, par peur de blesser l'autre. Il ne faut pas hésiter à poser des questions au jeune sur ses conditions de vie, sans jugement de valeur, pour adapter la prise en charge.
Violences interpersonnelles Violences sociétales Prévenir et éduquer
Suspicion de violence : élaborer une information préoccupante
Témoignage
Jean a 15 ans. C'est un élève studieux, qui a de bons résultats. Depuis deux mois, ces résultats ont chuté et il a maigri. Quand il est sensé revenir de chez son père (les parents étant séparés), le linge qu'il ramène est sale. Lui même n'est pas propre. Le professeur principal s'en inquiète et interroge l'élève. Celui-ci dit au départ que tout va très bien, qu'il n'a aucun problème particulier. Bien que le professeur lui traduise son souci, Jean maintient sa position. La semaine suivante, Jean ne vient pas en cours. Il n'y reviendra que la semaine d'après sans justificatif et sans que son père n'ait répondu aux appels et courriers envoyés par le CPE. La mère qui a été contactée affirme n'avoir aucune relation avec son ex-mari, et ne sait pas ce qui se passe. Le professeur principal interroge Jean mais celui-ci refuse de parler. Il exprime alors qu'une sanction va lui être infligée et qu'il va convoquer ses parents. Jean perd alors pied, pleure. Lorsque l'émotion s'est dissipée il confie qu'il a des soucis dans sa famille, qu'il ne peut pas en dire plus, mais demande à être sanctionné sans que l'on avertisse ses parents. L'enseignant s'interroge, en parle au CPE qui lui propose alors de rédiger une information préoccupante. Après réflexion, ils décident de ne pas prévenir les parents dans l'immédiat.
Quelle posture prendre à l'égard de Jean qui ne souhaite pas se confier ?
La situation implique plusieurs acteurs. Chacun d'entre eux a ses propres enjeux et ses peurs à faire valoir. Les nier ou les minimiser, c'est créer des résistances potentielles. En tenir trop compte, c'est risquer d'oublier que l'intérêt de Jean est supérieur à tous les autres.
Mais comment se positionner si l'enfant refuse de s'exprimer et si vous avez des doutes, la crainte de créer un feu là ou tout allait finalement bien, ou pas si mal ? Vous êtes le témoin d'indicateurs "faibles", du linge sale, d'un parent qui ne répond pas, d'un état d'amaigrissement, etc...
Il peut parfois être raisonnable d'attendre, si vous ne sentez pas de caractères d'urgence, tout en restant vigilant sur l'évolution de l'état de la personne et de son comportement. Mais rappelons aussi qu'un mineur peut déposer plainte 20 ans après sa majorité si quelqu'un n'aurait pas fait de signalement ou d'information préoccupante alors que la situation le justifiait. Il peut être alors préférable de se protéger soi-même. On ne pourra pas vous reprocher d'avoir agi de manière trop hâtive.
Que vous observiez des comportements qui vous troublent, que la personne vous parle, vous n'avez pas à interpréter les paroles ou les faits. Notamment lorsque la personne vient à vous, ou que vous sollicitez une entrevue avec elle, le premier entretien a un enjeu majeur. Vous récoltez sa première version, elle peut être précise ou se réduire à du mutisme ; vous pouvez être surpris, mais quoi qu'il en soit, vous devez vous placer dans la posture de l'accueillir comme elle se présente, de la croire de manière inconditionnelle, sans juger de la véracité des propos relatés. Il ne s'agit pas pour vous de questionner, de chercher à détailler les faits, mais plutôt de maintenir un lien sécurisant, et de lui offrir une écoute attentive. Toute question qui chercherait à approfondir la situation peut conduire la victime potentielle à chercher à répondre à vos attentes, à s'y ajuster. Vous pouvez cependant amener la personne à préciser des termes trop vagues qui ne vous permettraient pas de saisir le niveau d'urgence ou de gravité de la situation. Par exemple : "ça veut dire quoi éviter son père, passer son week-end avec des potes ? ". Si la personne ne parle pas, vous pourrez lui signifier que vous la comprenez, que c'est parfois difficile de s'exprimer, mais que votre porte reste pour elle grande ouverte.
Et finalement vous pourrez lui dire que vous préférez rédiger une information préoccupante, mais que vous aimeriez le faire avec son accord.
Faut-il prévenir les parents ? La réponse est délicate car vous pouvez être tenu responsable d'actes de violence auxquels cela pourrait conduire. Il faut donc juger du bien fondé ou non de contacter le père et/ou la mère selon la situation, telle qu'elle est relatée. Si le jeune traduit de véritables craintes face à cette éventualité, il est sans doute préférable de s'abstenir. Le mieux est donc de lui demander ce qu'il en pense. Et si vous avez un doute, il est préférable de ne pas le faire.
Va sans doute alors se poser la question pour vous de rédiger une information préoccupante ou d'opter pour un signalement ? Si il n'y a pas d'urgence caractérisée et si le jeune vous dit qu'il va encore réfléchir, il est préférable de ne pas agir trop vite. Si vous avez de sérieux doute, penser que ne rien faire contribue à renforcer les traumatismes de la personne. Si vous considérez le danger imminent, récurrent, et qui va sans doute se reproduire dans de brefs délais, il est préférable de faire un signalement. dans le cas contraire, vous opterez plutôt pour une information préoccupante.
Qui la rédige? Tout citoyen peut le faire, et notamment toute personne travaillant dans un service public. Mais comme vous pouvez vous sentir mal à l'aise pour le faire de votre propre chef, vous pouvez solliciter le chef d'établissement ou le CPE pour la rédiger ou pour vous conseiller.
Quelques précautions méritent d'être considérées dans la manière dont vous rédigez une Information préoccupante. L'Information préoccupante relate les faits que son rédacteur a vécu avec la victime potentielle. Il s'agit donc d'éviter toute forme d'interprétations. Vous pourrez utiliser des formulations telles que : "je l'ai invité à venir dans mon bureau et je lui ai demandé : ".." ; elle m'a répondu : "..." en tentant d'être au plus près des mots prononcés. Par ailleurs citer le nom d’une personne tiers qui est intervenue (un enseignant, un autre élève,...), c'est l'impliquer ; elle pourra être amenée par la suite à être interrogée. Citer un tiers, c'est donc le faire à bon escient.
Vous pouvez souhaiter à juste titre d'être averti des suites judiciaires qui seront données à l'Information préoccupante. Il n'y a pas de règles générales en la matière. Chaque CRIP (Cellule de recueil des Informations préoccupantes) a sa stratégie.
Vous pouvez enfin vivre difficilement d'avoir rédigé ou d'avoir à rédiger une information prioritaire, vous sentir mal à l'aise. N'hésitez pas à contacter des associations qui sont là pour vous conseiller, vous réconforter.
Ressources
Loi de mars 2007 sur la protection de l'enfance. Cette loi précise les besoins fondamentaux de l'enfant, le rôle du conseil général dans le traitement et le suivi des enfants en situation de danger, l'obligation de formation des enseignants dans le domaine de la protection de l'enfance, des mesures préventives à prendre par notamment l'infirmière attachée à l'établissement, et l'élaboration du PPE (projet pour l'enfant).
La loi de 2016 relative à la protection de l'enfant répond à un souci de décloisonnement des institutions en charge de la protection de l'enfant. Les informations préoccupantes font l'objet d'un traitement pluridisciplinaire et d'une évaluation tous les ans.
Décret fixant le contenu du PPE. Il précise les informations contenues dans le PPE, notamment relativement au suivi scolaire de l'enfant.
L'article 8 du code procédure pénale précise les devoirs des témoins d'acte de violence, et les risques encourus s'ils ne font aucun signalement, ni information.
Un exemple d'information préoccupante. Sans qu'il ait vocation à devenir un modèle, nous vous proposons un exemple d'information préoccupante susceptible de vous aider à rédiger la vôtre.
L'association Colosse aux pieds d'argile a une convention avec le Ministère en charge de l'agriculture. Vous pouvez les contacter pour vous faire aider dans vos démarches.
Source : https://cvm-mineurs.org/page/l-information-preoccupante-et-le-signalement-1
Depuis la loi du 5 Mars 2007 réformant la protection de l'enfance, le président du conseil départemental est en charge du recueil, du traitement et de l'évaluation des informations préoccupantes concernant les enfants en danger ou en risque de danger. L’information préoccupante est définie comme "une information transmise à la cellule départementale pour alerter le président du conseil général sur la situation d’un mineur, bénéficiant ou non d’un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risquent de l’être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risquent de l’être" (CASF, art. R226-2-2). L'IP concerne un enfant en danger ou en risque de l'être, c'est-à-dire un mineur dont on craint pour sa santé, sa sécurité, sa moralité. La finalité de cette transmission est d’évaluer la situation d’un mineur et de déterminer les actions de protection et d’aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier.
Sauf intérêt contraire de l’enfant, le professionnel doit informer de cette transmission les père, mère ou toute autre personne exerçant l’autorité parentale ou le tuteur, selon des modalités adaptées (CASF, art. L226-2-1).
Cette information est transmise à la cellule de recueil, du traitement et de l'évaluation des informations préoccupantes (CRIP) du département.
Puis-je faire une IP/un signalement sans témoignage direct de l’enfant ?
L’IP ne vaut pas lieu de dénonciation. Elle est analysée par la CRIP et peut faire l’objet d’une enquête et si nécessaire, elle sera ensuite traitée par la justice. L’enquête pourra donc valider ou invalider la pertinence de l’IP. Il n'est donc pas nécessaire d'avoir un témoignage direct de l'enfant pour faire une IP.
Puis-je rédiger et signer seul(e) une IP ?
Tout citoyen peut rédiger et signer une IP. Il est cependant préférable qu’une IP établie dans un établissement soit co-signée par la direction. Il est en effet souhaitable de partager l’information avec l’équipe de direction et les permanenciers qui peuvent être contactés, mais la co-signature peut aussi permettre d’éviter des IP abusives.
En tant qu’infirmière, ai-je le droit de divulguer à la CPE et aux autres membres de l'équipe éducative mes observations ?
Le secret partagé était jusqu'à présent uniquement autorisé entre professionnels de santé. La loi du 27 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a remis en cause ce principe en permettant à d'autres professions (liste précisée à l'article R. 1110-2 du CSP) de participer à cet échange d'informations couvertes par le secret médical. Les professionnels autres que les professionnels de santé concernés sont au sein de l'établissement : les salariés des établissements.
Si je fais un signalement/ une IP serai-je amené à témoigner par la suite ?
Oui, je peux l’être, mais être entendu n’est pas être incriminé.
Comment recueillir la parole du jeune ?
Il est préférable d'être à deux si la situation le permet. Il est recommandé de favoriser la présence de la personne qui a été sollicitée avec la personne en souffrance et un membre de l’équipe de direction.
Si un jeune me demande de garder secret ce qu’il me dit, dois-je respecter sa demande ?
Non, il n'est pas possible de faire une telle promesse et il est indispensable de l'expliquer clairement à la personne tout en tentant de garder cependant le lien.
Puis-je être conseillé si j’ai des doutes sur le fait de rédiger une IP ?
Oui, en contactant le 119, service national téléphonique pour l'enfance en danger (SNATED) ou la maison des adolescents.
Que se passe-t-il si je fais un signalement/une IP alors qu’il s’avère que le jeune a menti ?
Toute situation inquiétante mérite d’être prise en compte. Vous n’avez pas à juger de la véracité des déclarations.
Est-il préférable de faire une IP ou un signalement ?
Un signalement est à envisager si le danger est considéré imminent. Si le jeune mentionne une violence récurrente et toujours actuelle, il est par exemple préférable de faire un signalement. Le danger imminent peut aussi être envisagé au regard des témoignages tenus par les personnes de l'entourage (frère, soeur, …) de la personne en souffrance.
Comment conseiller un jeune mineur qui souhaite porter plainte ?
Un mineur peut porter plainte lui-même en adressant un courrier au procureur de la république, ou en utilisant le téléservice de pré-plainte en ligne, ou en se rendant seul ou accompagné dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie.
Je dois rédiger un communiqué de presse, face à une situation qui a concerné mon établissement, comment faire ?
Un tel communiqué est délicat à rédiger. Nous vous conseillons de vous rapprocher d'un chargé de communication, notamment de ceux salariés de l'association "Colosses aux pieds d'argile" qui a une convention avec la DGER.
Si je rédige une IP, je crains les réactions des parents, ou des agresseurs. Comment faire ?
Une IP collégiale permet de vous protéger. Si vous êtes par exemple à deux à avoir accueilli la parole de l'élève, chacun d'entre vous peut rédiger une partie.
Violence dans le cercle familial: élaborer un signalement
Témoignage
Emma est arrivée en Seconde au lycée agricole.
C’est une jeune très introvertie, très timide, elle a peur de l’adulte, notamment des hommes, comme le proviseur-adjoint.
Lorsqu'elle rencontre un problème de santé et qu’elle serait supposée rentrer chez elle, elle s'y refuse généralement et fait tout pour être la plus présente possible en formation et quoi qu'il en soit pour rester à l'école. Lorsque la vie scolaire contacte la famille, c'est toujours sa mère qui est l'interlocutrice.
Alors qu'Emma est en Terminale, elle manifeste un jour une crise d'angoisse et va à l’infirmerie. L'infirmière observe qu'elle présente des coups aux avant-bras. L'infirmière partage avec Emma ses observations : l'angoisse que manifeste Emma, les coups sur les bras, qui lui font comprendre qu'Emma ne va pas bien. Emma exprime alors subir des actes de violence au sein du cercle familial. Elle déclare que son père la frappe.
L'infirmière décide de prendre en note les propos d'Emma et lui demande la possibilité de prendre des photos de ses bras. Elle précise que ce qu'elle a observé, et ce qui a été dit par Emma est entendu et pris en compte.
Quelle posture prendre dans la situation d'Emma qui révèle subir des violences intra familiales ? Dans cette situation la difficulté est de savoir qui alerter et sous quelle forme. L'intérêt de la jeune fille reste supérieur à tous les autres. Dans ce cas de suspicion de violences familiales avec un témoignage explicite de la jeune fille, la situation relève d'une mesure de signalement auprès du Procureur de la République.
La phase d'entretien :
Lorsque le jeune vient à vous, le premier entretien a un enjeu majeur.
D'abord, il faut veiller à maîtriser vos émotions de manière à faire les constats et recueillir les propos du jeune sans dramatiser ou minimiser les faits. Cela permet d'éviter que le jeune cherche à répondre à vos attentes, ou à s'y ajuster.
Ensuite, vous ne devez pas remettre en cause ou minimiser la parole du jeune qui se confie, quelle que soit la nature des faits relatés (flous, incomplets, incroyables). Il ne s'agit pas pour vous d'interroger ou d'enquêter, mais seulement de maintenir un lien sécurisant, et offrir une écoute attentive et bienveillante.
Vous pouvez cependant amener la personne à préciser des termes trop vagues qui ne vous permettraient pas de saisir le niveau d'urgence ou de gravité de la situation par des questions ouvertes. Attention toutefois à ne pas orienter les propos relatés ou à induire des termes. Par exemple des questions pourront être : « Tu veux m'en dire plus » ? « Qu’est-ce que cela veut dire pour toi » ?
Il s'agit de permettre de déplier la pensée de l'autre, sans induire de réponse.
Par ailleurs, seul le Procureur de la République peut décider d'une visite d'un médecin légiste pour un recueil de traces et indices. La démarche de l'écoutant de prendre des photos de traces matérielles, avec l'accord de la personne, permet d'associer des éléments factuels à la rédaction du signalement.
La phase de signalement :
L'adulte qui a recueilli la situation ne doit pas rester seul. Il est possible de réaliser le signalement à plusieurs mains (les écoutants et le chef d'établissement par exemple). Il est important de constituer un réseau pour que les écoutants ne restent pas isolés face à des situations délicates, et pour constituer un maillage d'adultes soutenants autour de la personne à court terme et à plus long terme, suivant la durée de l'enquête.
Le chef d'établissement doit prendre contact avec la gendarmerie ou la police pour signaler la situation recueillie. Dans le même temps, un signalement au Procureur de la République est fait par l'établissement, sauf s'il y a un recueil des faits par un service judiciaire.
Lors d'une démarche de signalement, la préconisation est d'éviter de prévenir la famille d’autant plus si les faits impliquent un membre de la famille ou des tiers connus.
A la rédaction du signalement, la situation décrite doit rester très factuelle : indiquer le jour et l'heure du recueil de la situation, le jour et l'heure des faits révélés si la personne l'a indiqué, les comportements observés pendant l’entretien, les constats faits (comme par exemple des photos de traces corporelles, ou matérielles). Les propos de la personne doivent être retranscrits textuellement, en utilisant des guillemets.
L'établissement peut se faire accompagner dans sa démarche par des organismes habilités pour se faire expliquer les modalités du signalement, soutenir les personnes concernées, voire être appuyé à la rédaction même du signalement (le 119 par exemple est un organisme habilité).
Lorsque la famille de la personne est en jeu, le signalement peut être doublé d'une information préoccupante auprès de la CRIP (la cellule de recueil des informations préoccupantes), qui peut connaître des éléments concernant la sphère familiale, pour transmettre au Procureur ou bien soutenir la personne.
Ressources
La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants dite « Loi Taquet » prévoit un certain nombre de mesures destinées à améliorer la situation et la sécurité des enfants protégés par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) et notamment l'accompagnement de ces enfants jusqu'à 21 ans. D'autres dispositions visent à améliorer les conditions de travail des assistants familiaux et à mieux piloter la politique de prévention et de protection de l'enfance.
Source : Service public.fr
L'article 8 du code procédure pénale précise les devoirs des témoins d'acte de violence, et les risques encourus s'ils ne font aucun signalement, ni information.
Vos droits et devoirs face à un enfant en danger vous fournit les informations nécessaires pour contacter les structures ad hoc si un enfant est considéré en danger.
En savoir plus sur le CRIP. Vous découvrirez comment fonctionne le CRIP dans le traitement d'une information préoccupante.
Guide d'accompagnement pour la protection de l'enfance. Ce guide très complet vous informe de la manière de repérer, évaluer et agir lorsque vous êtes confronté à une situation relevant de la protection de l'enfance.
Une fiche-type de recueil d'un signalement
numéro vert enfance en danger : numéro vert enfance en danger : 119
L'association Colosse aux pieds d'argile a une convention avec le Ministère en charge de l'agriculture. Vous pouvez les contacter pour vous faire aider dans vos démarches.
Bibliographie
Mugnier J.P. (2006). La promesse des enfants meurtris. Ed. fabert.
Puis-je faire une IP/un signalement sans témoignage direct de l’enfant ?
L’IP ne vaut pas lieu de dénonciation. Elle est analysée par la CRIP et peut faire l’objet d’une enquête et si nécessaire, elle sera ensuite traitée par la justice. L’enquête pourra donc valider ou invalider la pertinence de l’IP. Il n'est donc pas nécessaire d'avoir un témoignage direct de l'enfant pour faire une IP.
Puis-je rédiger et signer seul(e) une IP/un signalement ?
Tout citoyen peut rédiger et signer une IP ou un signalement. Il est cependant préférable qu’une IP/un signalement établi(e) dans un établissement soit co-signé(e) par la direction. Il est en effet souhaitable de partager l’information avec l’équipe de direction et les permanenciers qui peuvent être contactés, mais la co-signature peut aussi permettre d’éviter des IP/signalement abusifs.
En tant qu’infirmière, ai-je le droit de divulguer à la CPE et aux autres membres de l'équipe éducative mes observations ?
Le secret partagé était jusqu'à présent uniquement autorisé entre professionnels de santé. La loi du 27 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a remis en cause ce principe en permettant à d'autres professions (liste précisée à l'article R. 1110-2 du CSP) de participer à cet échange d'informations couvertes par le secret médical. Les professionnels autres que les professionnels de santé concernés sont au sein de l'établissement : les salariés des établissements.
Si je fais un signalement/ une IP serai-je amené à témoigner par la suite ?
Oui, je peux l’être, mais être entendu n’est pas être incriminé.
Comment recueillir la parole du jeune ?
Il est préférable d'être à deux si la situation le permet. Il est recommandé de favoriser la présence de la personne qui a été sollicitée avec la personne en souffrance et un membre de l’équipe de direction.
Si un jeune me demande de garder secret ce qu’il me dit, dois-je respecter sa demande ?
Non, il n'est pas possible de faire une telle promesse et il est indispensable de l'expliquer clairement à la personne tout en tentant de garder cependant le lien.
Puis-je être conseillé si j’ai des doutes sur le fait de rédiger une IP/un signalement ?
Oui, en contactant le 119, service national téléphonique pour l'enfance en danger (SNATED) ou la maison des adolescents.
Que se passe-t-il si je fais un signalement/une IP alors qu’il s’avère que le jeune a menti ?
Toute situation inquiétante mérite d’être prise en compte. Vous n’avez pas à juger de la véracité des déclarations.
Est-il préférable de faire une IP ou un signalement ?
Un signalement est à envisager si le danger est considéré imminent. Si le jeune mentionne une violence récurrente et toujours actuelle, il est par exemple préférable de faire un signalement. Le danger imminent peut aussi être envisagé au regard des témoignages tenus par les personnes de l'entourage (frère, soeur, …) de la personne en souffrance.
Comment conseiller un jeune mineur qui souhaite porter plainte ?
Un mineur peut porter plainte lui-même en adressant un courrier au procureur de la république, ou en utilisant le téléservice de pré-plainte en ligne, ou en se rendant seul ou accompagné dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie.
Je dois rédiger un communiqué de presse, face à une situation qui a concerné mon établissement, comment faire ?
Un tel communiqué est délicat à rédiger. Nous vous conseillons de vous rapprocher d'un chargé de communication, notamment de ceux salariés de l'association "Colosses aux pieds d'argile" qui a une convention avec la DGER.
Si je rédige une IP/un signalement, je crains les réactions des parents, ou des agresseurs. Comment faire ?
Une démarche collégiale permet de vous protéger. Si vous êtes par exemple à deux à avoir accueilli la parole de l'élève, chacun d'entre vous peut rédiger une partie.
Violences interpersonnelles Violences sociétales Prévenir et éduquer
Que faire pour des jeunes en situation de prostitution ?
Témoignage
Maéva est scolarisée en 1 ère SAPAT au lycée agricole de F , ville de moyenne de 50 000 habitants. Carole, est nommée cheffe d’établissement dans ce lycée depuis la rentrée. Au retour des vacances de Toussaint, les parents de Maéva, qui est absente, se présentent dans l’établissement en demandant de manière très virulente à voir des jeunes de la classe de leur fille qui a fait une fugue. Carole les reçoit immédiatement, et tente tout d’abord de faire diminuer l’état de colère et d’agitation du père Celui-ci décrit une situation compliquée : cela fait selon lui plusieurs années que cela ne va pas avec sa fille qui a accusé ses parents de violence à la suite de quoi elle a été placée pendant 6 mois. Au retour de la période de placement, elle a accusé un ami de son père de viol, tout en refusant de révéler son identité. Carole note que la mère parle peu, semble très inquiète et est par ailleurs « soumise » à son mari. Le père explique donc que Maéva a fugué pendant les vacances et que selon lui elle est restée en ville, « trainant » avec Laura, une jeune fille scolarisée dans sa classe l’année scolaire passée (mais qui n’a pas fait sa rentrée en 1ère cette année)
Carole, qui découvre cette situation, assure la famille de son soutien et explique qu’elle va essayer de se renseigner auprès des camarades de Maéva et de la famille de Laura.
Carole se renseigne auprès de l’équipe éducative. Ces 2 jeunes avaient des profils scolaires plutôt satisfaisants, du potentiel, des compétences…
Du coté de Laura, elle était en fait suivie par une éducateur suite au divorce de ses parents, elle a vécu avec son père pendant le confinement, au sein d’une communauté, isolée en pleine campagne où elle aurait subi des violences sexuelles.
Les élèves de la classe de Maéva ne semblent pas avoir de nouvelles, ils confirment que selon eux elle serait avec Laura. Justine, une élève de la classe, vient voir Carole discrètement pour lui dire qu’elle était amie avec Maéva, que lorsqu’elle est partie de chez elle, elle lui a donné des nouvelles pendant quelques temps. Elle était bien avec Laura, « en ville », et « se débrouillait » pour gagner de l’argent, mais le contact entre elles a été coupé brutalement, elle n’a plus aucune nouvelle. Justine évoque les relations très difficiles de Maéva avec son père, violent, et surtout son désarroi lorsqu’elle n’a pas été crue par ses parents quand elle a révélé avoir été abusée par un ami de la famille.
L’éducateur a des nouvelles des 2 jeunes filles dont des photos circuleraient sur les réseaux sociaux. On les y voit habillées avec des vêtements de marques, hyper sexualisées. Carole a également un contact avec la gendarmerie qui n’a pas plus d’information.
En janvier Carole reçoit un appel de l’éducateur de Laura qui a appris que les 2 jeunes seraient parties au Luxembourg, seraient « escorts » mais seraient sur le point de rentrer à F. Il demande si à leur retour Carole accepterait de les recevoir pour aborder avec elles la question de leur avenir scolaire, car elles ne souhaitent rencontrer que des adultes qui ne les connaissaient pas « avant ».
Carole accepte et un mois après, reçoit donc les 2 jeunes filles accompagnées de l’éducateur de Laura (placée en famille d’accueil) et du grand-oncle de Maéva chez qui elle est placée pour l’instant. Elle a fait une demande d’émancipation. Laura est habillée avec des vêtements que l’on qualifierait de « sexy », Maéva porte des vêtements amples dissimulant son corps.
La discussion porte sur des pistes d’orientation scolaire, professionnelles, des solutions à plus ou moins long terme …
Laura veut reprendre la formation en SAPAT, mais pas tout de suite. Elle envisage de revenir à la rentrée scolaire prochaine ; Carole lui garantit qu’elle aura sa place. En attendant elle préconise un suivi par la mission locale, la piste d’un Service Civique…
Maéva n’envisage pas de reprendre une scolarité, elle est suivie par un psychiatre et une psychologue, et n’a pas de projet pour l’instant
Carole a le sentiment d’avoir devant elle deux jeunes filles brisées par leur milieu familial, qui ne se sentent pas comprises, ni crues dans ce qu’elles ont pu réussir à dénoncer…Pou elle c’est grâce au soutien de l’éducateur de Laura qui a maintenu un lien avec elle coûte que coûte que les 2 jeunes filles ont pu faire le choix de revenir et d’être aidée à reprendre pied…
La situation évoquée ici met en lumière un phénomène qui peut toucher les jeunes aussi bien en milieu rural qu’urbain. En effet il y aurait aujourd'hui entre 15 000 et 20 000 mineurs prostitués en France, un chiffre en augmentation de plus de 70% en cinq ans, selon les associations.
Le parcours des deux jeunes filles, des violences subies dans l’enfance à la déscolarisation, illustre l’engrenage « classique » qui peut conduire à la pratique prostitutionnelle. Comme souvent, le système scolaire n’a pas pu repérer les signaux éventuels et tenter d’intervenir pour prévenir la rupture totale avec l’école. On constate cependant que le retour à la scolarisation, permis par l’accueil bienveillant, non jugeant, de la proviseure de l’établissement pourra constituer l’élément clé d’une « ré-insertion » scolaire et sociale dans un cadre de vie sécurisé. Il est à noter que dans le cadre du retour éventuel de ces jeunes dans l’établissement une grande vigilance devra être apportée au comportement des autres élèves et aux jugements qu’ils pourraient porter sur ce dont ils auraient eu connaissance (rumeurs, harcèlement etc.) Un vrai travail d’accompagnement et de veille sera à penser et mettre en œuvre en équipe.
Les éléments constitutifs du parcours de ces deux jeunes nous permettent de proposer des éléments de compréhension, de revenir sur le repérage et des pistes d’action et de soutien à mettre en œuvre :
En préalable
-La prostitution des personnes mineures (moins de 18 ans) est interdite en France (article 13 de la loi relative à l’autorité parentale du 4 mars 2022).
-Tout mineur qui se livre à la prostitution, même occasionnellement, est réputé en danger et relève de la protection du juge des enfants (loi 2022-305 du 4 mars 2002).
-Les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ont pour mission d’apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique au mineur en situation de prostitution même occasionnelle (article L.221-1 du Code de l’action sociale et des familles tel que modifié par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants).
La notion de consentement est inadaptée aux situations de prostitution de mineurs. Tout mineur en situation de prostitution est victime d’exploitation sexuelle.
Pour rappel, en vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000878231/
« Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs »
Si la personne en situation de prostitution ou pré prostitution est mineure, en tant que professionnel, vous êtes dans l’obligation légale de faire un signalement en transmettant le récit du ou de la jeune, avec une description des violences subies, du contexte de risque ou de la situation prostitutionnelle. Pour éviter que le ou la mineure se sente trahi, expliquez clairement et de façon transparente l’ensemble de la procédure qui va suivre. Insistez sur la démarche de protection : ce n’est pas une punition !
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Source : Info jeunes prostitution, ouvrons le dialogue, protégeons les jeunes-LIVRET À DESTINATION DES PROFESSIONNEL·LES COMPRENDRE - REPÉRER – AIDER, publié par le CIDFF, novembre 2022
Dans un article publié sur le site The Conversation, les sociologues Johanna Dagorn et Clément Reversé mettent en lumière les liens entre précarité et prostitution en milieu rural, à travers deux enquêtes menées en Nouvelle-Aquitaine. La première portait sur la précarité des jeunes ruraux (2017-2021), et la seconde sur les féminicides en milieu rural (2022). Les chercheurs ont rencontré une centaine de jeunes, dont plusieurs étaient en situation de prostitution.
Ils révèlent que, face à des besoins immédiats, certains jeunes, souvent sans diplôme, se tournent vers la prostitution pour survivre. Par exemple, certaines femmes échangent des actes sexuels contre des biens comme de l'essence pour pouvoir travailler. Ils décrivent aussi des pratiques de prostitution en ligne, souvent facilitées par des applications permettant de géo localiser des rencontres. Les jeunes femmes, parfois mineures, y voient un moyen de générer des revenus sans avoir à assumer pleinement les risques associés.
Les sociologues soulignent que cette prostitution n'est pas nécessairement perçue comme "forcée", mais qu'elle est souvent une réponse à une précarité extrême. Toutefois, cette marchandisation du corps engendre des traumatismes et expose les femmes et jeunes filles à des violences graves, notamment la pédopornographie. Internet, en tant que facilitateur de ces pratiques, permet la création de réseaux d'entraide entre jeunes femmes vulnérables, mais ce phénomène reste largement ignoré.
Une autre spécificité de la prostitution en milieu rural est son invisibilité. Selon le diagnostic mené par le Mouvement du Nid en Haute-Saône, 90% des personnes en situation de prostitution rencontrées par les professionnels du territoire sont en prostitution dite «invisible ». Les acteurs de terrains parlent en effet de prostitution cachée ou invisible. Plusieurs facteurs expliquent cette difficulté à repérer et objectiver la prostitution en milieu rural :
-un maillage associatif faible ou inexistant : c'est un constat posé par toutes les associations de terrains.
- L'enjeu de l'anonymat : comme pour d'autres formes de violences sexistes et sexuelles, le sujet peut être plus difficile à aborder dans des territoires ne permettant pas l'anonymat des grandes villes, du fait des représentations sociales et stigmatisations pesant sur les victimes de telles violences”. Ce souci d'anonymat, constaté sur tous les territoires, amène une délocalisation des victimes et des clients.
→ Repérage :
Pour Maéva et Laura, l’expatriation au Luxembourg a permis,outre d’échapper aux recherches, de pouvoir éviter d’être reconnues, davantage stigmatisée.
Le système prostitutionnel se nourrit de multiples situations de vulnérabilité :
La précarité, la minorité en terme d’âge, les violences subies dans l’enfance, l’inceste, le fait d’avoir été co-victime de violences conjugales, etc. Ces situations sont des facteurs de risque d’entrée dans la prostitution qui s’inscrit, la plupart du temps, dans un parcours de violences préexistantes.
Dans la situation évoquée ici le contexte familial violent, les abus sexuels subis sont des facteurs de vulnérabilité qui dans un premier temps déclenchent la situation de rupture familiale et influencent l’évolution des jeunes files vers des pratiques prostitutionnelles. Nous sommes en effet face à des jeunes victimes d’abus, en perte de confiance envers les adultes et le milieu familial, élevées dans un cadre familial défaillant, par sa rigidité ou au contraire par un cadre quasi inexistant.
Les études montrent en effet que 90 % des jeunes qui pratiquent la prostitution, ont subi des violences dans l’enfance.
Des contraintes variées entrainent l’entrée et le maintien des jeunes dans la prostitution : dépendance financière ou relation d’emprise... Le système prostitutionnel est complexe, vecteur de domination et de rapports de pouvoir. L’entrée est souvent progressive et complexe, entrainée par des événements négatifs ou des pressions. Les personnes en situation de prostitution ne sont pas coupables, la loi protège les victimes de la prostitution et pénalise la clientèle.
La prostitution chez les jeunes, et notamment les jeunes filles, se distingue par son caractère protéiforme, complexe et mal connu. Ses dénominations multiples rendent son repérage difficile. Dans le cas de Maeva et Laura, il semble que les signes d’alerte n’aient pu être repérés, on peut cependant être vigilant à l’apparition d’un certain nombre de signaux.
⚠️ SIGNAUX D’ALERTE
-SIGNAUX LIÉS À DES FACTEURS DE VULNÉRABILITÉ
Carences affectives et éducatives, violences subies dans l’enfance et notamment sexuelles, hyper agressivité, réputation liée à la sexualité et rumeurs (en ligne ou hors ligne), fugues de plus en plus nombreuses et qui durent de plus en plus longtemps, décrochage scolaire, changements d’hébergements successifs, déplacements fréquents dans d’autres villes, perte ou confiscation des papiers d’identité
-SIGNAUX LIÉS AUX RELATIONS SOCIALES
Changements de fréquentation, relations avec des hommes plus âgés qui peuvent attendre à la sortie de l’établissement scolaire, voitures passant chercher le ou la jeune, changement de vocabulaire sur la sexualité, l’évocation des relations sexuelles dégradantes sur un ton quasiment indifférent, avoir un langage cru sur la sexualité, codes vestimentaires hyper sexualisés, se présenter de manière très négligée.
Utilisation d’un vocabulaire spécifique : des mots ou expressions passerelles sont utilisés pour désigner la pratique prostitutionnelle de manière détournée : « michetonnage », « escorting », « pigeons », « sugar daddy », pour désigner les client et clientes, « protecteur·ice » pour désigner la ou le proxénète.
Attention aux expressions désignant l’activité prostitutionnelle ou ses synonymes sans que cela ne soit évoqué clairement : « faire du business », « c’est un bon deal », « je rends service » ...
-SIGNAUX LIÉS À DES FACTEURS PHYSIQUES
Traces de blessures, de scarifications, prise ou perte de poids associée à un changement brutal de comportement.
-SIGNAUX MATÉRIELS
Possession de cadeaux « inexpliqués », d’accessoires couteux, de sommes d’argent liquide importantes, de plusieurs téléphones portables et/ou changements réguliers de numéros, de lingerie, de boîtes de préservatifs, de cartes de club destinés aux adultes, d’armes (couteau, lacrymo, etc.).
→Le rôle d’internet et des réseaux sociaux dans l’organisation du système prostitutionnel
Le Centre Hubertine Auclert a publié un livret, « Accompagner et protéger les mineures en situation prostitutionnelle ou en risque de l’être » qui explique notamment qu’Internet et les réseaux sociaux servent aujourd’hui d’accélérateur à l’entrée et au maintien dans la prostitution :
Les réseaux sociaux comme Snapchat ou Instagram, fortement utilisés par les jeunes, sont détournés et permettent le repérage des victimes par les proxénètes et la mise en contact avec les clients prostitueurs. Depuis le premier confinement en 2020, la fréquentation de la plateforme OnlyFans a explosé. Elle permet de payer des abonnements pour accéder aux contenus publiés par des personnes inscrites, notamment des photos et vidéos à caractère sexuel. Cela s’inscrit dans l’idée qu’il serait normal de payer pour avoir accès aux corps des femmes. La plateforme MYM est également utilisée en France.
-Les sites spécialisés de rencontres entre jeunes sont utilisés par des proxénètes et des clients prostitueurs pour repérer des jeunes filles vulnérables et proposer des services dits d’« escort » avec des failles de vérification d’âge (www.tescort.com): Badoo ; Rencontreados.net ; Nodaron.com ; Yubo ; Coco.
Des sites généralistes qui proposent des services « escort/erotica », facilitent la prostitution des mineures (Wannonce) .
Les sites de locations d’appartements facilitent l’organisation du proxénétisme ou diffusent des annonces d’incitation à la prostitution : « chambre gratuite contre services », etc.
La menace de diffusion en ligne de contenus intimes peut être un outil de chantage pour les proxénètes afin de la maintenir la jeune fille dans la prostitution.
→Comment accompagner un ou une jeune à sortir de la prostitution ?
En tant que professionnel il faut tenir compte de l’ensemble des difficultés qui empêchent les jeunes de sortir de la prostitution, pour mieux les accompagner,tout en ayant conscience de l’obligation légale de faire un signalement en transmettant le récit du ou de la jeune, avec une description des violences subies, du contexte de risque ou de la situation prostitutionnelle. Pour éviter que le ou la mineure ne se sente trahi, il sera absolument nécessaire au cours de l’entretien, d’expliquer clairement et de façon transparente l’ensemble de la procédure qui va suivre. Insistez sur la démarche de protection : ce n’est pas une punition !
Eléments qui peuvent empêcher un ou une jeune de s’engager dans une démarche mettant fin à une situation de prostitution, et dont il faudra tenir compte pour l’accompagner de la manière la plus adaptée :
LA COERCITION
Il s’agit de stratégies de contrôle, de pression exercée par les proxénètes et les réseaux prostitutionnels : violences physiques, revenge porn, menaces financières, chantage affectif... Les contraintes physiques et psychologiques exercées sur les victimes les freinent dans leur souhait de sortir de la prostitution. De plus, les victimes sont généralement envoyées loin de leur lieu d’habitation et peuvent rapidement changer de département ou de région. Cette mobilité géographique freine largement leur accompagnement
LES IDÉES REÇUES
De nombreux jeunes n’identifient pas certaines pratiques (rapports sexuels tarifés sans pénétration, occasionnels, en échange d’un logement ou d’un bien matériel...) comme relevant de la prostitution. L’usage de mots ou expressions passerelles participent à invisibiliser voire banaliser les pratiques prostitutionnelles. Les sites dédiés à la prostitution et les réseaux sociaux sollicitent les jeunes en s’appuyant sur une communication positive, pour leur donner l’illusion qu’elles ou ils peuvent avoir le pouvoir et le contrôle sur leur pratique prostitutionnelle en occultant les risques et les impacts associés pour les jeunes. L’invisibilisation et les difficultés d’identification sont autant de freins majeurs.
L’EMPRISE
Certains proxénètes établissent une relation de confiance ou simulent une relation affective, pour mettre en place et maintenir une emprise sur les personnes qu’elles ou ils prostituent). L’emprise, c’est le résultat d’une relation inégalitaire, où une personne adopte à l’encontre de l’autre des paroles et comportements agressifs, violents et destructeurs qui visent à contrôler et à dominer l’autre. L’emprise peut se manifester par de l’intimidation, des menaces, des va-et-vient entre humiliation et gentillesse, le contrôle des gains financiers et de l’activité prostitutionnelle... Les victimes peuvent éprouver de la culpabilité, de la dépendance ou de la loyauté envers leur proxénète ou leur réseau ; et mettre du temps à prendre conscience de leur situation et des violences vécues. L’emprise constitue un frein majeur à la sortie de la prostitution.
Le ou la jeune qui se confie, signifie de manière plus ou moins consciente son besoin de sortir de la prostitution, et pour l’aider, il est indispensable de faire appel en relais, à des associations spécialisées (cf ci-dessous rubriques N° verts et associations).
Recueillir la parole d’une victime en situation de prostitution demande une posture particulièrement bienveillante et non-jugeante :
-Garder une posture de non-jugement et de bienveillance est nécessaire face aux jeunes qui peuvent éprouver des difficultés à parler, soit par crainte d’être stigmatisés, soit parce qu’elles ou ils sont dans le déni des actes prostitutionnels. Les freins psychologiques liés aux traumatismes peuvent aussi empêcher la prise de conscience. Il est essentiel de ne pas culpabiliser le ou la jeune sur sa situation (quelle qu’elle soit). Le ou la jeune peut avoir besoin de temps pour se confier. Cela peut se faire au cours de plusieurs entretiens. Rassurez la victime et dites-lui qu’elle pourra parler lorsqu’elle se sentira prête.
-Même si le témoignage de la personne vous heurte, accueillez ses propos en restant humble et empathique mais conservez de la distance et votre posture professionnelle.
-Évitez la moralisation ou la surenchère qui risquerait d’accabler la ou le jeune en plus des épreuves déjà vécues.
-Prenez en compte sa parole même si son récit peut paraitre décousu, confus ou désordonné (cela peut être les conséquences des psycho-traumatismes subis)
La prévention :
La prévention de la prostitution passe par deux leviers puissants :
- L'éducation à la sexualité
Le code de l'Education prévoit que « Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène. Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles contribuent à l'apprentissage du respect dû au corps humain et sensibilisent aux violences sexistes ou sexuelles ». La mise en œuvre de ce programme d’EVARS (Education à la Vie Affective Relationnelle et Sexuelle) est un enjeu fort de prévention et de protection face aux violences sexuelles.
La prostitution, en tant que violence sexiste et sexuelle, mérite toute l’attention des animateurs et animatrices des séances d’éducation à la sexualité.
En décryptant les logiques sociales, les facteurs socio- économiques et les vulnérabilités individuelles qui créent un risque prostitutionnel, une telle intervention permet d’alerter les jeunes sur les manipulations des proxénètes (faux « petit ami » ou offres d’emplois trompeuses, pressions diverses...) et de lutter contre la banalisation qui en ferait une « activité » sans grand danger, alors que ses conséquences sont d’une extrême gravité
Ces séances permettent le développement de compétences psycho-sociales pour apprendre à repérer les risques, à y faire face, et notamment à appeler à l'aide. Les contenus de ce programme soulignent le fait qu'une sexualité libre et épanouie nécessite la réciprocité du désir, l'égalité dans la relation et l'absence de violence.
Cf : https://www.education.gouv.fr/un-programme-ambitieux-eduquer-la-vie-affective-et-relationnelle-et-la-sexualite-416296
- Le repérage des violences sexuelles
Une majorité des victimes de la prostitution ont connu des violences sexuelles dans l'enfance. Aussi, prévenir la prostitution (et toutes les violences sexistes et sexuelles) passe par la prévention de ces violences, le repérage et l'accompagnement des victimes.
L’Enseignement agricole est engagé depuis plusieurs années sur le repérage des victimes de violences sexuelles et travaille notamment étroitement avec l’association Colosse aux pieds d'argile qui peut intervenir dans les établissements et/ou auprès des professionnels
→ Mieux repérer et identifier la diversité des pratiques ainsi que leur ampleur.
→ Comprendre les mécanismes qui conduisent aux pratiques prostitutionnelles, ainsi que les risques et les impacts
→ Améliorer les capacités de repérage et d’accompagnement, en identifiant les ressources et les associations à contacter
→ Permettre l’orientation des victimes vers des associations spécialisées
Vidéo : Le piège https://www.youtube.com/watch?v=gYWOH8pIFcU
Film de prévention réalisé par le Mouvement du Nid
Il raconte plusieurs moments dans la vie d’une collégienne, Emma, qu’un jeune proxénète et une fausse amie « rabatteuse » cherchent à prendre au piège. Emma n’est jamais forcée à la prostitution, pourtant son horizon se ferme inexorablement lorsque ses persécuteurs exploitent ses failles.
NUMEROS VERTS119 : Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger 3919: Violences Femmes Info
C’est un numéro d’écoute national destiné :
- aux femmes victimes de violences, à leur entourage, aux professionnels concernés
Anonyme et gratuit, il est accessible depuis un poste fixe et un mobile en métropole et dans les DOM.
Ce numéro permet d’assurer une écoute et une information, et, en fonction des demandes, effectue une orientation adaptée vers dispositifs locaux d’accompagnement et de prise en charge
→Site de signalement d’une situation de violence conjugale, sexuelle ou sexiste https://www.service-public.fr/cmi
Associations :
-L’Amicale du Nid et le Mouvement du Nid, agissent en soutien aux personnes prostituées. Implanté dans toute la France, le Mouvement du Nid est à la fois une association de terrain et un mouvement de société : il appelle à un engagement citoyen, politique et culturel contre le système de la prostitution et l’ensemble des violences contre les femmes
- https://amicaledunid.org/
- https://mouvementdunid.org/mouvement-du-nid/delegations/
-L’ACPE, l’association Agir Contre la Prostitution des Enfants, lutte contre toutes les formes d’exploitation sexuelle des mi neur·es en France et dans le monde, contre la pédocriminalité et la pédopornographie.
www.acpe-asso.org
-La Fédération nationale des Centres d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles (FN CIDFF)
La FN CIDFF vise à l’autonomie des femmes et des familles et à agir en matière d’accès aux droits pour les femmes, de lutte contre les discriminations sexistes et de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle assure la coordination de 105 CIDFF et de 13 fédérations régionales présents sur le territoire.
www.infofemmes.com
-Femmes solidaires
A la tête d’un réseau de plus de 190 associations locales réparties en métropole et dans les DOM-TOM, Femmes solidaires est un mouvement féministe d’éducation populaire qui défend les valeurs fondamentales de laïcité, de mixité, d’égalité pour les droits des femmes. Elle informe, sensibilise sur les droits des femmes afin de contribuer à l’évolution des mentalités vers une société libérée des rapports de domination et travaille sur toutes les formes de violences.
www.femmes-solidaires.org
L’escorting est une pratique désignant plusieurs situations préprostitutionnelles et prostitutionnelles. L’escort est payé pour tenir compagnie à une personne et/ou l’accompagner à des événements sociaux (restaurant, cinéma, réunions, voyages...). Les rencontres peuvent se dérouler en tête à tête ou en présence d’autres personnes. Elles peuvent aller d’un simple repas à des relations plus in times… Mais il s’agit en très grande majorité de relations sexuelles tarifées.
Les prises de contact, dont l’accès est facilitée par Internet, se font majoritairement via des sites et applications d’annonces, de rencontres, de tchats : Coco, Sexemodels, MYM, Vivastreet, Onlyfans , Le Bon Coin,etc..
Grooming
Le « grooming » désigne une stratégie menée par une personne majeure envers une personne mineure, dont l’objectif est de créer un lien de confiance et émotionnel permettant à terme au majeur de faire des propositions sexuelles et, souvent, d’abuser sexuellement de la personne mineure. 70 % des situations identifiées comme du « grooming » ont lieu sur les réseaux sociaux. Le « sugar dating »
Le « sugar dating » désigne le fait pour une personne jeune (mineure ou majeure) d’entretenir avec une personne plus âgée une relation romantique ou affective souvent contre de l’argent mais également en retour de biens ou de services. La personne la plus âgée est générale ment un homme à la situation financière confortable appelé « sugar daddy » et la plus jeune principalement une femme nommée « sugar baby ». Cette pratique favorise l’entrée en prostitution progressive des jeunes, souvent des étudiantes, et commence par des relations tarifées sans rapports sexuels dans des lieux publics qui évoluent par la suite vers des rapports sexuels tarifés.
Loverboy
Le « loverboy » désigne un jeune homme dont l’objectif est de créer l’illusion d’une relation affective auprès d'une jeune fille pour l’inciter par la suite, à se prostituer. Ces hommes sont souvent des mineurs ou des majeurs à peine plus âgés que leurs victimes et passent très souvent par les réseaux sociaux afin d’approcher les jeunes filles. Ils mettent en place un mécanisme d’emprise psychologique et de dépendance affective afin d’isoler socialement la victime et, peu à peu, l’entrainer vers des pratiques prostitutionnelles. Ce mécanisme se base notamment sur le cycle des violences qui se décline en quatre phases : la lune de miel, les tensions, la crise, et la justification, avant d’entamer à nouveau la phase de lune de miel. Il s’agit d’un cercle vicieux per mettant à l’emprise de perdurer, expliquant en partie la durabilité d’une relation entre un loverboy et sa victime, les difficultés à identifier la situation pour l’entourage ainsi que les freins pour la victime à sortir de cette situation.
Michetonnage / Pigeonnage /Pédocriminalité
Le « michetonnage » ou « pigeonnage » désigne une conduite préprostitutionnelle. Il s’agit généralement d’une relation entre un ou une jeune et une personne plus âgée offrant des faveurs financières et/ou matérielles dans l’attente ou en échange d’actes sexuels. Ce type de relation peut constituer un biais d’entrée dans les pratiques prostitutionnelles du fait de sa complexité et de son ambiguïté. Elle peut créer chez une jeune personne un sentiment de redevabilité et de reconnaissance, voire de dépendance, qui peut l’amener à céder aux sollicitations sexuelles.
Le terme pédocriminalité désigne les crimes à l’encontre de mineurs. Ils se réfèrent principalement à l’abus et l’exploitation sexuelle de mineurs comprenant le harcèlement sexuel, les agressions sexuelles ainsi que le viol. Les individus recourant à la prostitution de mineurs sont en grande majorité des majeurs. Dès lors, ces situations de prostitution revêtent un caractère pédocriminel. Le caractère pédocriminel est retenu pénalement même si les auteurs estiment n’avoir eu aucune preuve qu’il s’agissait d’une personne mineure. L’utilisation des réseaux sociaux et des sites internet facilite la diffusion et la commercialisation d’images à caractère pédopornographique ainsi que les rencontres à caractère prostitutionnel entre les personnes mineures et majeures.
Comment aborder le sujet avec un ou une élève pour lequel, laquelle on s’inquiète ?
(Cf Livret ACCOMPAGNER ET PROTÉGER LES MINEURES EN SITUATION PROSTITUTIONNELLE OU EN RISQUE DE L’ÊTRE-Centre Hubertine Auclert))
- Poser un cadre bienveillant et transparent, instaurer un climat de confiance
- Partir de nos inquiétudes, exprimer que la/le jeune nous semble en danger -
- Reprendre sans jugement les signes qu’elle montre à voir, dire ce que l’on voit - Oser poser la question des violences subies et de la prostitution : « Est-ce qu’il y a quelque chose qui t’a fait souffrir ? », « Est-ce que tu penses que tu as subi des violences ? »,
« Je suis là pour t’aider », « As-tu le sentiment de prendre des risques ? », puis « Tu veux m’en
dire plus ?
-Utiliser au départ le vocabulaire de la jeune (« escort », « michto », « bosseur »,
« protecteur », etc.), le questionner et le déconstruire
-S’appuyer sur la loi dans sa dimension protectrice
Controverses sociétales : comment les traiter à l'école de manière constructive ?
Témoignage
Des événements tels que le meurtre de Samuel Paty ou les actes terroristes du Bataclan restent douloureux à nos mémoires. Ils ont créé une véritable sidération sociale et ont souvent désemparé les équipes éducatives quant à la manière gérer une situation créant de vives émotions et quant à leur manière de les interroger à l'école avec les élèves. Véronique, enseignante en français, s'est trouvée sans voix face à des comportements de haine à l'égard de Samuel Paty, à des élèves qui normalisaient un tel assassinat. Une autre enseignante qui souhaitait faire parler ses élèves, s'est retrouvée en face de personnes désintéressées par le sujet, demandant plutôt à ce qu'elle fasse cours. Des directeurs se sont retrouvés embarrassés pour faire une annonce aux équipes éducatives et aux élèves : que dire ? Comment gérer la situation dans l'établissement ?
Les établissements de l'enseignement agricole sont souvent traversés à l'échelle de leur territoire, à l'échelle nationale ou internationale, par des problématiques qui génèrent certes de l'échange, mais aussi des tensions : la réapparition du loup, la réglementation sur le glyphosate, les OGM, ... De tels sujets peuvent susciter des polémiques au sein de l'équipe éducative comme chez les élèves.
Des événements qui viennent toucher les valeurs qui fondent notre société ou la profession agricole, génèrent de l'émotion chez les personnels, les usagers de nos établissements : de la stupéfaction, de la colère, de la tristesse, sans doute, mais peut-être bien d'autres. Selon l'événement, il est plus ou moins aisé d'observer des signaux qui permettraient d'anticiper la crise : des conflits entre élèves, leurs demandes de le traiter à l'école, la présence de tags, des échanges vifs entre enseignants dans la salle des professeurs, peuvent être autant d'indications que la problématique ne laisse pas indifférent.
Faut-il pour en autant s'en emparer pour la désamorcer avant qu'elle ne devienne explosive ? Le mieux est encore d'en parler aux principaux intéressés.
La parole ne s'impose pas, elle s'invite. Si le besoin s'en fait sentir, elle peut est être accueillie dans des espaces spécifiques (comme avec un psychologue), jusqu'à faire l'objet d'un temps particulier à l'échelle de l'établissement ou de la classe. L'accueil de la parole a deux vertus : celle d'accueillir l'émotion, de lui permettre un espace d'expression souvent cathartique, mais aussi celle d'éduquer, de développer des compétences psychosociales telles que le développement de la pensée critique, de la pensée créative, de l'empathie, de la congruence, de l'apprentissage de la régulation des émotions, ...
A ce titre la didactique des questions socialement vives offre bon nombre de démarches pédagogiques et éducatives pour y répondre. Mais au-delà des méthodes qu'elle propose, sa mise en œuvre suppose de la part de l'animateur de prendre des postures particulières empruntes d'impartialité qui permettent une liberté d'expression.
Mais lorsqu'il s'agit de traiter de problématiques qui vont à l'encontre de la loi, jusqu'où accepter la liberté d'expression ? Le législateur légitime la liberté d'expression tant que celle-ci n'incite pas à la violence, la haine ou à la discrimination. Il place alors l'enseignant, l'éducateur dans une éventuelle tension : tension entre le souci de faire respecter la loi, et celui de réaliser sa mission d'éducateur favorable à une parole libre, quitte à faire émerger des préjugés, parole qu'il pourrait alors travailler avec les élèves en vue de faire acquérir un mode d'expression plus respectueux d'autrui, plus empathique. Échanger sur des sujets sensibles, polémiques suppose donc un travail spécifique pour acquérir les fondements d'un mode de communication éthique.
Introduire une question sensible dans un établissement, la questionner avec les élèves tout en favorisant une telle liberté d'expression, peuvent parfois remettre en cause des acteurs présents sur le territoire, des partenaires de l'établissement. Traiter par exemple du véganisme dans un lycée qui forme de futurs éleveurs, est certes un sujet de débat qui peut favoriser le développement d'une pensée critique, mais il peut ne pas être entendu comme tel par la profession agricole. L'établissement peut se retrouver alors en tension entre le souci légitime de maintenir le lien avec ses partenaires et celui de répondre à ses finalités éducatives. Dans de telles situations, il est souhaitable de solliciter un arbitrage par des personnes extérieures qui auront le souci d'écouter les opinions et les besoins non satisfaits de chaque protagoniste, et de tenter de les confronter pour aboutir à une sortie de crise.
Comment accueillir et aborder un sujet traumatisant à l'école; comment traiter des valeurs de la république ? Vous trouverez dans ce site des conseils pour accueillir les émotions, et pour développer les compétences psycho-sociales de l'élève.
Legardez, A. & Simonneaux, L. (2006). L'école à l'épreuve de l'actualité. ESF
Simonneaux, L. & Legardez, A. (2011). Développement durable et autres questions d'actualités. Questions socialement vives dans l'enseignement et la formation. Educagri éditions.
Simonneaux, J. (2019). La démarche d'enquête. Une contribution à la didactique des questions socialement vives, Educagri édition.
FAQ
Peut-on permettre que des élèves aient une totale liberté d'expression ?
La liberté d'expression fait partie des piliers fondamentaux de notre démocratie. "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi." (déclaration des droits de l'homme). La liberté d’expression est non seulement garantie pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. Cependant elle est limitée si elle porte des atteintes graves à des principes essentiels : discrimination, incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité. Comment communiquer sans enfreindre la loi , mais surtout sans être violent avec autrui ? Il apparait important de travailler avec les élèves sur l'expression elle-même, avant de les inscrire dans un échange d'opinions.
Comment déminer les violence colportées par les fake news ?
Témoignage
Véronique, enseignante en biologie-écologie
"Les élèves sont totalement crédules par rapport aux informations qui leur arrivent. Je fais un cours et certains vérifient sur internet si mes propos sont vrais et bien sûr tombent sur n'importe quelle information douteuse. Il suffit que l'information soit accessible, et ne demande aucun effort de réflexion, car s'inscrivant dans des opinions à l'emporte-pièce, et ils me remettent en cause plutôt que ce qu'ils viennent de lire. Ils en viennent à rejeter la science et les informations qu'elle produit, sous prétexte qu'une personnalité qu'ils adulent dit le contraire, ou qu'une théorie douteuse stimule leur envie de critiquer pour critiquer. Chacun donne son opinion sur n'importe quoi et la qualité de l'argumentation, de la démonstration n'a plus de valeurs. Quant à moi, je me sens complétement discréditée".
Jean, professeur de français
" C'est stupéfiant de voir ce que les réseaux sociaux, et les informations sur le net véhiculent des propos complotistes, et comment les jeunes sont crédules. Comme les adolescents aiment se révolter, se marginaliser, ce sont des messages qui passent très bien et qu'ils prennent pour argent comptant. Après pas facile de développer une pensée critique, de cultiver le doute. Au contraire ces messages clivent, attisent la colère et la haine".
EN 2019, le CNESCO (centre national d'étude des systèmes scolaires) révélait que le niveau de confiance à l'égard de médias varie au regard des catégories socio-professionnelles dont sont issus les élèves. Les élèves les plus défavorisés auraient une plus grande confiance dans les réseaux sociaux que ceux issus de catégories plus favorisées. Les élèves les plus fragiles sur le plan psychologique sont aussi des cibles privilégiées des fake news. Tenter de les convaincre que la science a des arguments plus fondés à donner est souvent lettre morte. Il est moins couteux en énergie de croire une opinion plutôt que de tenter d'élaborer une réflexion argumentée. C'est à l'absence ou au manque de pensée critique, que l'éducation aux médias et à l'information souhaite répondre. L'EMI, l'éducation aux médias et à l'information vise à favoriser une meilleure compréhension, à donner des capacités d'analyse, de réflexion critique à l'égard des messages médiatiques, et vise à traiter des contextes sociaux, politiques, économiques, technologiques et culturels au sein desquels ces messages sont produits, diffusés et reçus. L'EMI s’inscrit dans une perspective de protection de l'enfance d'une part, et de renforcement de la citoyenneté de l'autre, par le développement d'une pensée critique et d’une conscience politique. Elle cherche à répondre à des problématiques telles les rôles pris par les médias dans les débats, la médiation de la violence, de la sexualité et de la pornographie, différentes formes de manipulation sexiste, ou raciste, ou encore celle opérée par la publicité. Avec le développement du numérique, de nouveaux enjeux sont apparus : nous sommes sollicités par des informations de plus en plus nombreuses et ciblées en fonction de notre profil, de nos intérêts. Les acteurs du numérique recourent de plus en plus à des algorithmes prédictifs qui personnalisent le service rendu et fournissent des éléments pour une prise de décision, risquant d'altérer le libre-arbitre de la personne, et de cliver des groupes sociaux autour d'une pensée dogmatique. Par ailleurs l'usager peut lui aussi être acteur d'une diffusion massive d'information. L'EMI a pris en considération ces nouveaux enjeux.
Les pédagogies valorisées se fondent généralement sur des démarches d'enquête, d'analyse d'informations, et sur une approche réflexive quant à la manière dont les médias nous influencent, en vue non seulement de développer une pensée critique mais aussi de développer une capacité à agir de manière éthique, prudente, responsable. Mais d'autres pédagogues et chercheurs positionnent l’éducation aux médias dans une perspective plus militante, en accompagnant les élèves à déconstruire les mythes véhiculés par les médias dominants. l'EMI est alors un outil de résistance à un ordre social injuste et un moyen d’émancipation collective. Tout dépend des formes de violence médiatique auxquelles nous considérons être confrontées. A ce titre, la didactique des Questions Socialement Vives valorise différentes modalités pédagogiques dans une visée émancipatrice et adaptée à la problématique traitée.
Ressources
Le CLEMI, centre pour l'éducation aux médias et à l'information vous propose de nombreuses ressources pédagogiques, présentées sous forme de fiches pédagogiques pour éduquer aux médias
Ce kit pour éduquer au média élaboré par l'UNESCO est à l'intention des enseignants et autres professionnels, des élèves et des parents pour permettre une éducation aux médias en éducation formelle et non-formelle.
Développé par de l’association Les Déclencheurs, cet outil invite par le jeu à questionner les images qui nous traversent tous les jours. Par l’expérimentation collective il permet d’instaurer une posture active et attentive face à l’univers des médias et des réseaux, axé sur une démarche d’appropriation préalable par les enseignants qui souhaitent l’utiliser.
fiches associées : "les questions socialement vives et leur retentissement à l'école"
Bibliographie
Barbey, F. (2009). L'éducation aux médias. De l’ambiguïté du concept aux défis d’une pratique éducative. Publibook
Corroy-Labardens, L., & Jehel S. (2016). Stéréotypes, discriminations et éducation aux médias. L'Harmattan.
Daviet, E. (2020). Esf, Éducation aux médias et à la citoyenneté. Questions vives.
Gonnet, J. (2001). Éducation aux médias. Les controverses fécondes. Hachette
Hamadi, N. (2021). Petit manuel critique d’éducation aux médias. Les éditions du commun.
Landry, N., & Letellier A.S. (2016). L'éducation aux méfias à l'ère numérique. PU Montréal
Piette, J. (1996). Éducation aux médias et fonction critique. L'harmattan.
Simonneaux, J. (2019). La démarche d'enquête. Une contribution à la didactique des questions socialement vives. Educagri éditions.
FAQ
Est-il préférable d'interdire l'utilisation des téléphones portables en cours ou de l'autoriser au risque d'être critiqué ?
Cela dépend de la pédagogie que vous utilisez. Si vous êtes plutôt dans une forme "expositive", certains élèves peuvent chercher à vous "coincer", à démontrer que vous avez tort. Le fait d'interdire le portable peut vous aider, à empêcher de tels comportements. Une autre possibilité est de les enjoindre à chercher sur leurs portables ce qui contredirait vos propos, et finalement d'entamer une éducation aux médias. Et de leur demander d'où vient leur source, et en quoi ils pensent que celle-ci est meilleure que la vôtre, ...C'est une manière de les prendre à leur propre jeu. Une autre approche pédagogique, certes plus longue, consiste à les inscrire dans une démarche d'enquête autour de la problématique que vous voulez traiter, et de les faire rechercher les arguments existants dans les médias ainsi que leurs sources. C'est dans la confrontation entre pairs qu'une pensée critique pourra alors émerger.
En allant chercher des informations sur le net tout azimut, n'y-a-t-il pas un risque de donner de la valeur à tous les propos émis et de relativiser finalement ceux de la science ?
C'est ce qui se produit de toute façon. Toute personne s'approprie les propos qui lui conviennent, qui confirment ce qu'elle pense. Nous sommes tous soumis à ce biais de confirmation. Et l'éducation doit justement lutter contre. Il s'agira de questionner les origines de ces propos, et notamment de faire découvrir la nature de la science. Non pas pour la "sanctifier" , lui donner une validité absolue, mais pour montrer dans quel contexte travaille un chercheur, avec quelle méthodologie, et en quoi il est un acteur à part entière dans des choix sociétaux.