Elaborer un signalement

Violences sociétales Prévenir et éduquer Agir et gérer une crise
Violence dans le cercle familial: élaborer un signalement

Témoignage

Emma est arrivée en Seconde au lycée agricole.
C’est une jeune très introvertie, très timide, elle a peur de l’adulte, notamment des hommes, comme le proviseur-adjoint.
Lorsqu'elle rencontre un problème de santé et qu’elle serait supposée rentrer chez elle, elle s'y refuse généralement et fait tout pour être la plus présente possible en formation et quoi qu'il en soit pour rester à l'école. Lorsque la vie scolaire contacte la famille, c'est toujours sa mère qui est l'interlocutrice.
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Alors qu'Emma est en Terminale, elle manifeste un jour une crise d'angoisse et va à l’infirmerie. L'infirmière observe qu'elle présente des coups aux avant-bras. L'infirmière partage avec Emma ses observations : l'angoisse que manifeste Emma, les coups sur les bras, qui lui font comprendre qu'Emma ne va pas bien. Emma exprime alors subir des actes de violence au sein du cercle familial. Elle déclare que son père la frappe.

L'infirmière décide de prendre en note les propos d'Emma et lui demande la possibilité de prendre des photos de ses bras. Elle précise que ce qu'elle a observé, et ce qui a été dit par Emma est entendu et pris en compte.

L'essentiel à savoir

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Quelle posture prendre dans la situation d'Emma qui révèle subir des violences intra familiales ? Dans cette situation la difficulté est de savoir qui alerter et sous quelle forme. L'intérêt de la jeune fille reste supérieur à tous les autres. Dans ce cas de suspicion de violences familiales avec un témoignage explicite de la jeune fille, la situation relève d'une mesure de signalement auprès du Procureur de la République.

La phase d'entretien :
Lorsque le jeune vient à vous, le premier entretien a un enjeu majeur.
D'abord, il faut veiller à maîtriser vos émotions de manière à faire les constats et recueillir les propos du jeune sans dramatiser ou minimiser les faits. Cela permet d'éviter que le jeune cherche à répondre à vos attentes, ou à s'y ajuster.
Ensuite, vous ne devez pas remettre en cause ou minimiser la parole du jeune qui se confie, quelle que soit la nature des faits relatés (flous, incomplets, incroyables). Il ne s'agit pas pour vous d'interroger ou d'enquêter, mais seulement de maintenir un lien sécurisant, et offrir une écoute attentive et bienveillante.
Vous pouvez cependant amener la personne à préciser des termes trop vagues qui ne vous permettraient pas de saisir le niveau d'urgence ou de gravité de la situation par des questions ouvertes. Attention toutefois à ne pas orienter les propos relatés ou à induire des termes. Par exemple des questions pourront être : « Tu veux m'en dire plus » ? « Qu’est-ce que cela veut dire pour toi » ?
Il s'agit de permettre de déplier la pensée de l'autre, sans induire de réponse.
Par ailleurs, seul le Procureur de la République peut décider d'une visite d'un médecin légiste pour un recueil de traces et indices. La démarche de l'écoutant de prendre des photos de traces matérielles, avec l'accord de la personne, permet d'associer des éléments factuels à la rédaction du signalement.

La phase de signalement :
L'adulte qui a recueilli la situation ne doit pas rester seul. Il est possible de réaliser le signalement à plusieurs mains (les écoutants et le chef d'établissement par exemple). Il est important de constituer un réseau pour que les écoutants ne restent pas isolés face à des situations délicates, et pour constituer un maillage d'adultes soutenants autour de la personne à court terme et à plus long terme, suivant la durée de l'enquête.
Le chef d'établissement doit prendre contact avec la gendarmerie ou la police pour signaler la situation recueillie. Dans le même temps, un signalement au Procureur de la République est fait par l'établissement, sauf s'il y a un recueil des faits par un service judiciaire.
Lors d'une démarche de signalement, la préconisation est d'éviter de prévenir la famille d’autant plus si les faits impliquent un membre de la famille ou des tiers connus.
A la rédaction du signalement, la situation décrite doit rester très factuelle : indiquer le jour et l'heure du recueil de la situation, le jour et l'heure des faits révélés si la personne l'a indiqué, les comportements observés pendant l’entretien, les constats faits (comme par exemple des photos de traces corporelles, ou matérielles). Les propos de la personne doivent être retranscrits textuellement, en utilisant des guillemets.
L'établissement peut se faire accompagner dans sa démarche par des organismes habilités pour se faire expliquer les modalités du signalement, soutenir les personnes concernées, voire être appuyé à la rédaction même du signalement (le 119 par exemple est un organisme habilité).
Lorsque la famille de la personne est en jeu, le signalement peut être doublé d'une information préoccupante auprès de la CRIP (la cellule de recueil des informations préoccupantes), qui peut connaître des éléments concernant la sphère familiale, pour transmettre au Procureur ou bien soutenir la personne.

Ressources

La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants dite « Loi Taquet » prévoit un certain nombre de mesures destinées à améliorer la situation et la sécurité des enfants protégés par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) et notamment l'accompagnement de ces enfants jusqu'à 21 ans. D'autres dispositions visent à améliorer les conditions de travail des assistants familiaux et à mieux piloter la politique de prévention et de protection de l'enfance.
Source : Service public.fr

Le Dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement de d'agissements sexistes dans la fonction publique précise les modalités de recueil de signalement et d'orientation de la victime.

L'article 8 du code procédure pénale précise les devoirs des témoins d'acte de violence, et les risques encourus s'ils ne font aucun signalement, ni information.

Vos droits et devoirs face à un enfant en danger vous fournit les informations nécessaires pour contacter les structures ad hoc si un enfant est considéré en danger.

En savoir plus sur le CRIP. Vous découvrirez comment fonctionne le CRIP dans le traitement d'une information préoccupante.

Guide d'accompagnement pour la protection de l'enfance . Ce guide très complet vous informe de la manière de repérer, évaluer et agir lorsque vous êtes confronté à une situation relevant de la protection de l'enfance.
Une fiche-type de recueil d'un signalement

Informations pratiques sur nos droits et devoirs

numéro vert enfance en danger : numéro vert enfance en danger : 119

L'association Colosse aux pieds d'argile a une convention avec le Ministère en charge de l'agriculture. Vous pouvez les contacter pour vous faire aider dans vos démarches.

Bibliographie

Mugnier J.P. (2006). La promesse des enfants meurtris. Ed. fabert.

Rapport du Défenseur des Droits : Prendre en compte la parole de l'enfant, un droit pour l'enfant, un devoir pour l'adulte Rapport de la Defenseure des Droits Claire Hedon 2020), assorti de 17 recommandations pour rendre l'enfant acteur de ses droits.

FAQ

  • Puis-je faire une IP/un signalement sans témoignage direct de l’enfant ?
L’IP ne vaut pas lieu de dénonciation. Elle est analysée par la CRIP et peut faire l’objet d’une enquête et si nécessaire, elle sera ensuite traitée par la justice. L’enquête pourra donc valider ou invalider la pertinence de l’IP. Il n'est donc pas nécessaire d'avoir un témoignage direct de l'enfant pour faire une IP.

  • Puis-je rédiger et signer seul(e) une IP/un signalement ?
Tout citoyen peut rédiger et signer une IP ou un signalement. Il est cependant préférable qu’une IP/un signalement établi(e) dans un établissement soit co-signé(e) par la direction. Il est en effet souhaitable de partager l’information avec l’équipe de direction et les permanenciers qui peuvent être contactés, mais la co-signature peut aussi permettre d’éviter des IP/signalement abusifs.

  • En tant qu’infirmière, ai-je le droit de divulguer à la CPE et aux autres membres de l'équipe éducative mes observations ?
Le secret partagé était jusqu'à présent uniquement autorisé entre professionnels de santé. La loi du 27 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a remis en cause ce principe en permettant à d'autres professions (liste précisée à l'article R. 1110-2 du CSP) de participer à cet échange d'informations couvertes par le secret médical. Les professionnels autres que les professionnels de santé concernés sont au sein de l'établissement : les salariés des établissements.

  • Si je fais un signalement/ une IP serai-je amené à témoigner par la suite ?
Oui, je peux l’être, mais être entendu n’est pas être incriminé.

  • Comment recueillir la parole du jeune ?
Il est préférable d'être à deux si la situation le permet. Il est recommandé de favoriser la présence de la personne qui a été sollicitée avec la personne en souffrance et un membre de l’équipe de direction.

  • Si un jeune me demande de garder secret ce qu’il me dit, dois-je respecter sa demande ?
Non, il n'est pas possible de faire une telle promesse et il est indispensable de l'expliquer clairement à la personne tout en tentant de garder cependant le lien.

  • Puis-je être conseillé si j’ai des doutes sur le fait de rédiger une IP/un signalement ?
Oui, en contactant le 119, service national téléphonique pour l'enfance en danger (SNATED) ou la maison des adolescents.

  • Que se passe-t-il si je fais un signalement/une IP alors qu’il s’avère que le jeune a menti ?
Toute situation inquiétante mérite d’être prise en compte. Vous n’avez pas à juger de la véracité des déclarations.

  • Est-il préférable de faire une IP ou un signalement ?
Un signalement est à envisager si le danger est considéré imminent. Si le jeune mentionne une violence récurrente et toujours actuelle, il est par exemple préférable de faire un signalement. Le danger imminent peut aussi être envisagé au regard des témoignages tenus par les personnes de l'entourage (frère, soeur, …) de la personne en souffrance.

  • Comment conseiller un jeune mineur qui souhaite porter plainte ?
Un mineur peut porter plainte lui-même en adressant un courrier au procureur de la république, ou en utilisant le téléservice de pré-plainte en ligne, ou en se rendant seul ou accompagné dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie.

  • Je dois rédiger un communiqué de presse, face à une situation qui a concerné mon établissement, comment faire ?
Un tel communiqué est délicat à rédiger. Nous vous conseillons de vous rapprocher d'un chargé de communication, notamment de ceux salariés de l'association "Colosses aux pieds d'argile" qui a une convention avec la DGER.

  • Si je rédige une IP/un signalement, je crains les réactions des parents, ou des agresseurs. Comment faire ?
Une démarche collégiale permet de vous protéger. Si vous êtes par exemple à deux à avoir accueilli la parole de l'élève, chacun d'entre vous peut rédiger une partie.