Traiter des controverses sociétales

Violences sociétales Prévenir et éduquer Evaluer et piloter
Controverses sociétales : comment les traiter à l'école de manière constructive ?

Témoignage

Des événements tels que le meurtre de Samuel Paty ou les actes terroristes du Bataclan restent douloureux à nos mémoires. Ils ont créé une véritable sidération sociale et ont souvent désemparé les équipes éducatives quant à la manière gérer une situation créant de vives émotions et quant à leur manière de les interroger à l'école avec les élèves. Véronique, enseignante en français, s'est trouvée sans voix face à des comportements de haine à l'égard de Samuel Paty, à des élèves qui normalisaient un tel assassinat. Une autre enseignante qui souhaitait faire parler ses élèves, s'est retrouvée en face de personnes désintéressées par le sujet, demandant plutôt à ce qu'elle fasse cours. Des directeurs se sont retrouvés embarrassés pour faire une annonce aux équipes éducatives et aux élèves : que dire ? Comment gérer la situation dans l'établissement ?
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Les établissements de l'enseignement agricole sont souvent traversés à l'échelle de leur territoire, à l'échelle nationale ou internationale, par des problématiques qui génèrent certes de l'échange, mais aussi des tensions : la réapparition du loup, la réglementation sur le glyphosate, les OGM, ... De tels sujets peuvent susciter des polémiques au sein de l'équipe éducative comme chez les élèves.

L'essentiel à savoir

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Traiter des controverses sociétales


Des événements qui viennent toucher les valeurs qui fondent notre société ou la profession agricole, génèrent de l'émotion chez les personnels, les usagers de nos établissements : de la stupéfaction, de la colère, de la tristesse, sans doute, mais peut-être bien d'autres. Selon l'événement, il est plus ou moins aisé d'observer des signaux qui permettraient d'anticiper la crise : des conflits entre élèves, leurs demandes de le traiter à l'école, la présence de tags, des échanges vifs entre enseignants dans la salle des professeurs, peuvent être autant d'indications que la problématique ne laisse pas indifférent.
Faut-il pour en autant s'en emparer pour la désamorcer avant qu'elle ne devienne explosive ? Le mieux est encore d'en parler aux principaux intéressés.
La parole ne s'impose pas, elle s'invite. Si le besoin s'en fait sentir, elle peut est être accueillie dans des espaces spécifiques (comme avec un psychologue), jusqu'à faire l'objet d'un temps particulier à l'échelle de l'établissement ou de la classe. L'accueil de la parole a deux vertus : celle d'accueillir l'émotion, de lui permettre un espace d'expression souvent cathartique, mais aussi celle d'éduquer, de développer des compétences psychosociales telles que le développement de la pensée critique, de la pensée créative, de l'empathie, de la congruence, de l'apprentissage de la régulation des émotions, ...
A ce titre la didactique des questions socialement vives offre bon nombre de démarches pédagogiques et éducatives pour y répondre. Mais au-delà des méthodes qu'elle propose, sa mise en œuvre suppose de la part de l'animateur de prendre des postures particulières empruntes d'impartialité qui permettent une liberté d'expression.

Mais lorsqu'il s'agit de traiter de problématiques qui vont à l'encontre de la loi, jusqu'où accepter la liberté d'expression ? Le législateur légitime la liberté d'expression tant que celle-ci n'incite pas à la violence, la haine ou à la discrimination. Il place alors l'enseignant, l'éducateur dans une éventuelle tension : tension entre le souci de faire respecter la loi, et celui de réaliser sa mission d'éducateur favorable à une parole libre, quitte à faire émerger des préjugés, parole qu'il pourrait alors travailler avec les élèves en vue de faire acquérir un mode d'expression plus respectueux d'autrui, plus empathique. Échanger sur des sujets sensibles, polémiques suppose donc un travail spécifique pour acquérir les fondements d'un mode de communication éthique.

Introduire une question sensible dans un établissement, la questionner avec les élèves tout en favorisant une telle liberté d'expression, peuvent parfois remettre en cause des acteurs présents sur le territoire, des partenaires de l'établissement. Traiter par exemple du véganisme dans un lycée qui forme de futurs éleveurs, est certes un sujet de débat qui peut favoriser le développement d'une pensée critique, mais il peut ne pas être entendu comme tel par la profession agricole. L'établissement peut se retrouver alors en tension entre le souci légitime de maintenir le lien avec ses partenaires et celui de répondre à ses finalités éducatives. Dans de telles situations, il est souhaitable de solliciter un arbitrage par des personnes extérieures qui auront le souci d'écouter les opinions et les besoins non satisfaits de chaque protagoniste, et de tenter de les confronter pour aboutir à une sortie de crise.

Ressources

dans le cadre du pilotage de l'établissement :

Des outils pour observer et anticiper des signaux faibles de crise dans l'établissement

Des outils pour piloter et gérer une situation de crise dans l"établissement

Des outils pour communiquer en période de crise

dans le cadre éducatif et pédagogique :

Comment accueillir et aborder un sujet traumatisant à l'école; comment traiter des valeurs de la république ? Vous trouverez dans ce site des conseils pour accueillir les émotions, et pour développer les compétences psycho-sociales de l'élève.

Comment permettre la liberté d'expression à l'école et dans quelles limites ? François Héran, titulaire au Collège de France nous en propose un éclairage.

Ce vademecum relatif à l'enseignement de la laïcité pose les grands principes du traitement des valeurs de la République à l'école.

Le site relatif à l'éducation à la citoyenneté propose de nombreux outils et méthodes pédagogiques pour favoriser une citoyenneté active.

Comment traiter pédagogiquement une question socialement vive ?. le site vous propose des outils pour les traiter en classe en favorisant l'émancipation de l'élève.

Bibliographie

Legardez, A. & Simonneaux, L. (2006). L'école à l'épreuve de l'actualité. ESF

Simonneaux, L. & Legardez, A. (2011). Développement durable et autres questions d'actualités. Questions socialement vives dans l'enseignement et la formation. Educagri éditions.

Simonneaux, J. (2019). La démarche d'enquête. Une contribution à la didactique des questions socialement vives, Educagri édition.

FAQ

  • Peut-on permettre que des élèves aient une totale liberté d'expression ?

La liberté d'expression fait partie des piliers fondamentaux de notre démocratie. "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi." (déclaration des droits de l'homme). La liberté d’expression est non seulement garantie pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. Cependant elle est limitée si elle porte des atteintes graves à des principes essentiels : discrimination, incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité. Comment communiquer sans enfreindre la loi , mais surtout sans être violent avec autrui ? Il apparait important de travailler avec les élèves sur l'expression elle-même, avant de les inscrire dans un échange d'opinions.