Les violences et les discriminations en milieu scolaire
Des dizaines de situations dans l'enseignement agricole documentées pour pouvoir réfléchir, prévenir et agir !
Prostitution
Violences interpersonnelles Violences sociétales Prévenir et éduquer
Que faire pour des jeunes en situation de prostitution ?
Témoignage
Maéva est scolarisée en 1 ère SAPAT au lycée agricole de F , ville de moyenne de 50 000 habitants. Carole, est nommée cheffe d’établissement dans ce lycée depuis la rentrée. Au retour des vacances de Toussaint, les parents de Maéva, qui est absente, se présentent dans l’établissement en demandant de manière très virulente à voir des jeunes de la classe de leur fille qui a fait une fugue. Carole les reçoit immédiatement, et tente tout d’abord de faire diminuer l’état de colère et d’agitation du père Celui-ci décrit une situation compliquée : cela fait selon lui plusieurs années que cela ne va pas avec sa fille qui a accusé ses parents de violence à la suite de quoi elle a été placée pendant 6 mois. Au retour de la période de placement, elle a accusé un ami de son père de viol, tout en refusant de révéler son identité. Carole note que la mère parle peu, semble très inquiète et est par ailleurs « soumise » à son mari. Le père explique donc que Maéva a fugué pendant les vacances et que selon lui elle est restée en ville, « trainant » avec Laura, une jeune fille scolarisée dans sa classe l’année scolaire passée (mais qui n’a pas fait sa rentrée en 1ère cette année)
Carole, qui découvre cette situation, assure la famille de son soutien et explique qu’elle va essayer de se renseigner auprès des camarades de Maéva et de la famille de Laura.
Carole se renseigne auprès de l’équipe éducative. Ces 2 jeunes avaient des profils scolaires plutôt satisfaisants, du potentiel, des compétences…
Du coté de Laura, elle était en fait suivie par une éducateur suite au divorce de ses parents, elle a vécu avec son père pendant le confinement, au sein d’une communauté, isolée en pleine campagne où elle aurait subi des violences sexuelles.
Les élèves de la classe de Maéva ne semblent pas avoir de nouvelles, ils confirment que selon eux elle serait avec Laura. Justine, une élève de la classe, vient voir Carole discrètement pour lui dire qu’elle était amie avec Maéva, que lorsqu’elle est partie de chez elle, elle lui a donné des nouvelles pendant quelques temps. Elle était bien avec Laura, « en ville », et « se débrouillait » pour gagner de l’argent, mais le contact entre elles a été coupé brutalement, elle n’a plus aucune nouvelle. Justine évoque les relations très difficiles de Maéva avec son père, violent, et surtout son désarroi lorsqu’elle n’a pas été crue par ses parents quand elle a révélé avoir été abusée par un ami de la famille.
L’éducateur a des nouvelles des 2 jeunes filles dont des photos circuleraient sur les réseaux sociaux. On les y voit habillées avec des vêtements de marques, hyper sexualisées. Carole a également un contact avec la gendarmerie qui n’a pas plus d’information.
En janvier Carole reçoit un appel de l’éducateur de Laura qui a appris que les 2 jeunes seraient parties au Luxembourg, seraient « escorts » mais seraient sur le point de rentrer à F. Il demande si à leur retour Carole accepterait de les recevoir pour aborder avec elles la question de leur avenir scolaire, car elles ne souhaitent rencontrer que des adultes qui ne les connaissaient pas « avant ».
Carole accepte et un mois après, reçoit donc les 2 jeunes filles accompagnées de l’éducateur de Laura (placée en famille d’accueil) et du grand-oncle de Maéva chez qui elle est placée pour l’instant. Elle a fait une demande d’émancipation. Laura est habillée avec des vêtements que l’on qualifierait de « sexy », Maéva porte des vêtements amples dissimulant son corps.
La discussion porte sur des pistes d’orientation scolaire, professionnelles, des solutions à plus ou moins long terme …
Laura veut reprendre la formation en SAPAT, mais pas tout de suite. Elle envisage de revenir à la rentrée scolaire prochaine ; Carole lui garantit qu’elle aura sa place. En attendant elle préconise un suivi par la mission locale, la piste d’un Service Civique…
Maéva n’envisage pas de reprendre une scolarité, elle est suivie par un psychiatre et une psychologue, et n’a pas de projet pour l’instant
Carole a le sentiment d’avoir devant elle deux jeunes filles brisées par leur milieu familial, qui ne se sentent pas comprises, ni crues dans ce qu’elles ont pu réussir à dénoncer…Pou elle c’est grâce au soutien de l’éducateur de Laura qui a maintenu un lien avec elle coûte que coûte que les 2 jeunes filles ont pu faire le choix de revenir et d’être aidée à reprendre pied…
La situation évoquée ici met en lumière un phénomène qui peut toucher les jeunes aussi bien en milieu rural qu’urbain. En effet il y aurait aujourd'hui entre 15 000 et 20 000 mineurs prostitués en France, un chiffre en augmentation de plus de 70% en cinq ans, selon les associations.
Le parcours des deux jeunes filles, des violences subies dans l’enfance à la déscolarisation, illustre l’engrenage « classique » qui peut conduire à la pratique prostitutionnelle. Comme souvent, le système scolaire n’a pas pu repérer les signaux éventuels et tenter d’intervenir pour prévenir la rupture totale avec l’école. On constate cependant que le retour à la scolarisation, permis par l’accueil bienveillant, non jugeant, de la proviseure de l’établissement pourra constituer l’élément clé d’une « ré-insertion » scolaire et sociale dans un cadre de vie sécurisé. Il est à noter que dans le cadre du retour éventuel de ces jeunes dans l’établissement une grande vigilance devra être apportée au comportement des autres élèves et aux jugements qu’ils pourraient porter sur ce dont ils auraient eu connaissance (rumeurs, harcèlement etc.) Un vrai travail d’accompagnement et de veille sera à penser et mettre en œuvre en équipe.
Les éléments constitutifs du parcours de ces deux jeunes nous permettent de proposer des éléments de compréhension, de revenir sur le repérage et des pistes d’action et de soutien à mettre en œuvre :
En préalable
-La prostitution des personnes mineures (moins de 18 ans) est interdite en France (article 13 de la loi relative à l’autorité parentale du 4 mars 2022).
-Tout mineur qui se livre à la prostitution, même occasionnellement, est réputé en danger et relève de la protection du juge des enfants (loi 2022-305 du 4 mars 2002).
-Les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ont pour mission d’apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique au mineur en situation de prostitution même occasionnelle (article L.221-1 du Code de l’action sociale et des familles tel que modifié par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants).
La notion de consentement est inadaptée aux situations de prostitution de mineurs. Tout mineur en situation de prostitution est victime d’exploitation sexuelle.
Pour rappel, en vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000878231/
« Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs »
Si la personne en situation de prostitution ou pré prostitution est mineure, en tant que professionnel, vous êtes dans l’obligation légale de faire un signalement en transmettant le récit du ou de la jeune, avec une description des violences subies, du contexte de risque ou de la situation prostitutionnelle. Pour éviter que le ou la mineure se sente trahi, expliquez clairement et de façon transparente l’ensemble de la procédure qui va suivre. Insistez sur la démarche de protection : ce n’est pas une punition !
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Source : Info jeunes prostitution, ouvrons le dialogue, protégeons les jeunes-LIVRET À DESTINATION DES PROFESSIONNEL·LES COMPRENDRE - REPÉRER – AIDER, publié par le CIDFF, novembre 2022
Dans un article publié sur le site The Conversation, les sociologues Johanna Dagorn et Clément Reversé mettent en lumière les liens entre précarité et prostitution en milieu rural, à travers deux enquêtes menées en Nouvelle-Aquitaine. La première portait sur la précarité des jeunes ruraux (2017-2021), et la seconde sur les féminicides en milieu rural (2022). Les chercheurs ont rencontré une centaine de jeunes, dont plusieurs étaient en situation de prostitution.
Ils révèlent que, face à des besoins immédiats, certains jeunes, souvent sans diplôme, se tournent vers la prostitution pour survivre. Par exemple, certaines femmes échangent des actes sexuels contre des biens comme de l'essence pour pouvoir travailler. Ils décrivent aussi des pratiques de prostitution en ligne, souvent facilitées par des applications permettant de géo localiser des rencontres. Les jeunes femmes, parfois mineures, y voient un moyen de générer des revenus sans avoir à assumer pleinement les risques associés.
Les sociologues soulignent que cette prostitution n'est pas nécessairement perçue comme "forcée", mais qu'elle est souvent une réponse à une précarité extrême. Toutefois, cette marchandisation du corps engendre des traumatismes et expose les femmes et jeunes filles à des violences graves, notamment la pédopornographie. Internet, en tant que facilitateur de ces pratiques, permet la création de réseaux d'entraide entre jeunes femmes vulnérables, mais ce phénomène reste largement ignoré.
Une autre spécificité de la prostitution en milieu rural est son invisibilité. Selon le diagnostic mené par le Mouvement du Nid en Haute-Saône, 90% des personnes en situation de prostitution rencontrées par les professionnels du territoire sont en prostitution dite «invisible ». Les acteurs de terrains parlent en effet de prostitution cachée ou invisible. Plusieurs facteurs expliquent cette difficulté à repérer et objectiver la prostitution en milieu rural :
-un maillage associatif faible ou inexistant : c'est un constat posé par toutes les associations de terrains.
- L'enjeu de l'anonymat : comme pour d'autres formes de violences sexistes et sexuelles, le sujet peut être plus difficile à aborder dans des territoires ne permettant pas l'anonymat des grandes villes, du fait des représentations sociales et stigmatisations pesant sur les victimes de telles violences”. Ce souci d'anonymat, constaté sur tous les territoires, amène une délocalisation des victimes et des clients.
→ Repérage :
Pour Maéva et Laura, l’expatriation au Luxembourg a permis,outre d’échapper aux recherches, de pouvoir éviter d’être reconnues, davantage stigmatisée.
Le système prostitutionnel se nourrit de multiples situations de vulnérabilité :
La précarité, la minorité en terme d’âge, les violences subies dans l’enfance, l’inceste, le fait d’avoir été co-victime de violences conjugales, etc. Ces situations sont des facteurs de risque d’entrée dans la prostitution qui s’inscrit, la plupart du temps, dans un parcours de violences préexistantes.
Dans la situation évoquée ici le contexte familial violent, les abus sexuels subis sont des facteurs de vulnérabilité qui dans un premier temps déclenchent la situation de rupture familiale et influencent l’évolution des jeunes files vers des pratiques prostitutionnelles. Nous sommes en effet face à des jeunes victimes d’abus, en perte de confiance envers les adultes et le milieu familial, élevées dans un cadre familial défaillant, par sa rigidité ou au contraire par un cadre quasi inexistant.
Les études montrent en effet que 90 % des jeunes qui pratiquent la prostitution, ont subi des violences dans l’enfance.
Des contraintes variées entrainent l’entrée et le maintien des jeunes dans la prostitution : dépendance financière ou relation d’emprise... Le système prostitutionnel est complexe, vecteur de domination et de rapports de pouvoir. L’entrée est souvent progressive et complexe, entrainée par des événements négatifs ou des pressions. Les personnes en situation de prostitution ne sont pas coupables, la loi protège les victimes de la prostitution et pénalise la clientèle.
La prostitution chez les jeunes, et notamment les jeunes filles, se distingue par son caractère protéiforme, complexe et mal connu. Ses dénominations multiples rendent son repérage difficile. Dans le cas de Maeva et Laura, il semble que les signes d’alerte n’aient pu être repérés, on peut cependant être vigilant à l’apparition d’un certain nombre de signaux.
⚠️ SIGNAUX D’ALERTE
-SIGNAUX LIÉS À DES FACTEURS DE VULNÉRABILITÉ
Carences affectives et éducatives, violences subies dans l’enfance et notamment sexuelles, hyper agressivité, réputation liée à la sexualité et rumeurs (en ligne ou hors ligne), fugues de plus en plus nombreuses et qui durent de plus en plus longtemps, décrochage scolaire, changements d’hébergements successifs, déplacements fréquents dans d’autres villes, perte ou confiscation des papiers d’identité
-SIGNAUX LIÉS AUX RELATIONS SOCIALES
Changements de fréquentation, relations avec des hommes plus âgés qui peuvent attendre à la sortie de l’établissement scolaire, voitures passant chercher le ou la jeune, changement de vocabulaire sur la sexualité, l’évocation des relations sexuelles dégradantes sur un ton quasiment indifférent, avoir un langage cru sur la sexualité, codes vestimentaires hyper sexualisés, se présenter de manière très négligée.
Utilisation d’un vocabulaire spécifique : des mots ou expressions passerelles sont utilisés pour désigner la pratique prostitutionnelle de manière détournée : « michetonnage », « escorting », « pigeons », « sugar daddy », pour désigner les client et clientes, « protecteur·ice » pour désigner la ou le proxénète.
Attention aux expressions désignant l’activité prostitutionnelle ou ses synonymes sans que cela ne soit évoqué clairement : « faire du business », « c’est un bon deal », « je rends service » ...
-SIGNAUX LIÉS À DES FACTEURS PHYSIQUES
Traces de blessures, de scarifications, prise ou perte de poids associée à un changement brutal de comportement.
-SIGNAUX MATÉRIELS
Possession de cadeaux « inexpliqués », d’accessoires couteux, de sommes d’argent liquide importantes, de plusieurs téléphones portables et/ou changements réguliers de numéros, de lingerie, de boîtes de préservatifs, de cartes de club destinés aux adultes, d’armes (couteau, lacrymo, etc.).
→Le rôle d’internet et des réseaux sociaux dans l’organisation du système prostitutionnel
Le Centre Hubertine Auclert a publié un livret, « Accompagner et protéger les mineures en situation prostitutionnelle ou en risque de l’être » qui explique notamment qu’Internet et les réseaux sociaux servent aujourd’hui d’accélérateur à l’entrée et au maintien dans la prostitution :
Les réseaux sociaux comme Snapchat ou Instagram, fortement utilisés par les jeunes, sont détournés et permettent le repérage des victimes par les proxénètes et la mise en contact avec les clients prostitueurs. Depuis le premier confinement en 2020, la fréquentation de la plateforme OnlyFans a explosé. Elle permet de payer des abonnements pour accéder aux contenus publiés par des personnes inscrites, notamment des photos et vidéos à caractère sexuel. Cela s’inscrit dans l’idée qu’il serait normal de payer pour avoir accès aux corps des femmes. La plateforme MYM est également utilisée en France.
-Les sites spécialisés de rencontres entre jeunes sont utilisés par des proxénètes et des clients prostitueurs pour repérer des jeunes filles vulnérables et proposer des services dits d’« escort » avec des failles de vérification d’âge (www.tescort.com): Badoo ; Rencontreados.net ; Nodaron.com ; Yubo ; Coco.
Des sites généralistes qui proposent des services « escort/erotica », facilitent la prostitution des mineures (Wannonce) .
Les sites de locations d’appartements facilitent l’organisation du proxénétisme ou diffusent des annonces d’incitation à la prostitution : « chambre gratuite contre services », etc.
La menace de diffusion en ligne de contenus intimes peut être un outil de chantage pour les proxénètes afin de la maintenir la jeune fille dans la prostitution.
→Comment accompagner un ou une jeune à sortir de la prostitution ?
En tant que professionnel il faut tenir compte de l’ensemble des difficultés qui empêchent les jeunes de sortir de la prostitution, pour mieux les accompagner,tout en ayant conscience de l’obligation légale de faire un signalement en transmettant le récit du ou de la jeune, avec une description des violences subies, du contexte de risque ou de la situation prostitutionnelle. Pour éviter que le ou la mineure ne se sente trahi, il sera absolument nécessaire au cours de l’entretien, d’expliquer clairement et de façon transparente l’ensemble de la procédure qui va suivre. Insistez sur la démarche de protection : ce n’est pas une punition !
Eléments qui peuvent empêcher un ou une jeune de s’engager dans une démarche mettant fin à une situation de prostitution, et dont il faudra tenir compte pour l’accompagner de la manière la plus adaptée :
LA COERCITION
Il s’agit de stratégies de contrôle, de pression exercée par les proxénètes et les réseaux prostitutionnels : violences physiques, revenge porn, menaces financières, chantage affectif... Les contraintes physiques et psychologiques exercées sur les victimes les freinent dans leur souhait de sortir de la prostitution. De plus, les victimes sont généralement envoyées loin de leur lieu d’habitation et peuvent rapidement changer de département ou de région. Cette mobilité géographique freine largement leur accompagnement
LES IDÉES REÇUES
De nombreux jeunes n’identifient pas certaines pratiques (rapports sexuels tarifés sans pénétration, occasionnels, en échange d’un logement ou d’un bien matériel...) comme relevant de la prostitution. L’usage de mots ou expressions passerelles participent à invisibiliser voire banaliser les pratiques prostitutionnelles. Les sites dédiés à la prostitution et les réseaux sociaux sollicitent les jeunes en s’appuyant sur une communication positive, pour leur donner l’illusion qu’elles ou ils peuvent avoir le pouvoir et le contrôle sur leur pratique prostitutionnelle en occultant les risques et les impacts associés pour les jeunes. L’invisibilisation et les difficultés d’identification sont autant de freins majeurs.
L’EMPRISE
Certains proxénètes établissent une relation de confiance ou simulent une relation affective, pour mettre en place et maintenir une emprise sur les personnes qu’elles ou ils prostituent). L’emprise, c’est le résultat d’une relation inégalitaire, où une personne adopte à l’encontre de l’autre des paroles et comportements agressifs, violents et destructeurs qui visent à contrôler et à dominer l’autre. L’emprise peut se manifester par de l’intimidation, des menaces, des va-et-vient entre humiliation et gentillesse, le contrôle des gains financiers et de l’activité prostitutionnelle... Les victimes peuvent éprouver de la culpabilité, de la dépendance ou de la loyauté envers leur proxénète ou leur réseau ; et mettre du temps à prendre conscience de leur situation et des violences vécues. L’emprise constitue un frein majeur à la sortie de la prostitution.
Le ou la jeune qui se confie, signifie de manière plus ou moins consciente son besoin de sortir de la prostitution, et pour l’aider, il est indispensable de faire appel en relais, à des associations spécialisées (cf ci-dessous rubriques N° verts et associations).
Recueillir la parole d’une victime en situation de prostitution demande une posture particulièrement bienveillante et non-jugeante :
-Garder une posture de non-jugement et de bienveillance est nécessaire face aux jeunes qui peuvent éprouver des difficultés à parler, soit par crainte d’être stigmatisés, soit parce qu’elles ou ils sont dans le déni des actes prostitutionnels. Les freins psychologiques liés aux traumatismes peuvent aussi empêcher la prise de conscience. Il est essentiel de ne pas culpabiliser le ou la jeune sur sa situation (quelle qu’elle soit). Le ou la jeune peut avoir besoin de temps pour se confier. Cela peut se faire au cours de plusieurs entretiens. Rassurez la victime et dites-lui qu’elle pourra parler lorsqu’elle se sentira prête.
-Même si le témoignage de la personne vous heurte, accueillez ses propos en restant humble et empathique mais conservez de la distance et votre posture professionnelle.
-Évitez la moralisation ou la surenchère qui risquerait d’accabler la ou le jeune en plus des épreuves déjà vécues.
-Prenez en compte sa parole même si son récit peut paraitre décousu, confus ou désordonné (cela peut être les conséquences des psycho-traumatismes subis)
La prévention :
La prévention de la prostitution passe par deux leviers puissants :
- L'éducation à la sexualité
Le code de l'Education prévoit que « Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène. Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles contribuent à l'apprentissage du respect dû au corps humain et sensibilisent aux violences sexistes ou sexuelles ». La mise en œuvre de ce programme d’EVARS (Education à la Vie Affective Relationnelle et Sexuelle) est un enjeu fort de prévention et de protection face aux violences sexuelles.
La prostitution, en tant que violence sexiste et sexuelle, mérite toute l’attention des animateurs et animatrices des séances d’éducation à la sexualité.
En décryptant les logiques sociales, les facteurs socio- économiques et les vulnérabilités individuelles qui créent un risque prostitutionnel, une telle intervention permet d’alerter les jeunes sur les manipulations des proxénètes (faux « petit ami » ou offres d’emplois trompeuses, pressions diverses...) et de lutter contre la banalisation qui en ferait une « activité » sans grand danger, alors que ses conséquences sont d’une extrême gravité
Ces séances permettent le développement de compétences psycho-sociales pour apprendre à repérer les risques, à y faire face, et notamment à appeler à l'aide. Les contenus de ce programme soulignent le fait qu'une sexualité libre et épanouie nécessite la réciprocité du désir, l'égalité dans la relation et l'absence de violence.
Cf : https://www.education.gouv.fr/un-programme-ambitieux-eduquer-la-vie-affective-et-relationnelle-et-la-sexualite-416296
- Le repérage des violences sexuelles
Une majorité des victimes de la prostitution ont connu des violences sexuelles dans l'enfance. Aussi, prévenir la prostitution (et toutes les violences sexistes et sexuelles) passe par la prévention de ces violences, le repérage et l'accompagnement des victimes.
L’Enseignement agricole est engagé depuis plusieurs années sur le repérage des victimes de violences sexuelles et travaille notamment étroitement avec l’association Colosse aux pieds d'argile qui peut intervenir dans les établissements et/ou auprès des professionnels
→ Mieux repérer et identifier la diversité des pratiques ainsi que leur ampleur.
→ Comprendre les mécanismes qui conduisent aux pratiques prostitutionnelles, ainsi que les risques et les impacts
→ Améliorer les capacités de repérage et d’accompagnement, en identifiant les ressources et les associations à contacter
→ Permettre l’orientation des victimes vers des associations spécialisées
Vidéo : Le piège https://www.youtube.com/watch?v=gYWOH8pIFcU
Film de prévention réalisé par le Mouvement du Nid
Il raconte plusieurs moments dans la vie d’une collégienne, Emma, qu’un jeune proxénète et une fausse amie « rabatteuse » cherchent à prendre au piège. Emma n’est jamais forcée à la prostitution, pourtant son horizon se ferme inexorablement lorsque ses persécuteurs exploitent ses failles.
NUMEROS VERTS119 : Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger 3919: Violences Femmes Info
C’est un numéro d’écoute national destiné :
- aux femmes victimes de violences, à leur entourage, aux professionnels concernés
Anonyme et gratuit, il est accessible depuis un poste fixe et un mobile en métropole et dans les DOM.
Ce numéro permet d’assurer une écoute et une information, et, en fonction des demandes, effectue une orientation adaptée vers dispositifs locaux d’accompagnement et de prise en charge
→Site de signalement d’une situation de violence conjugale, sexuelle ou sexiste https://www.service-public.fr/cmi
Associations :
-L’Amicale du Nid et le Mouvement du Nid, agissent en soutien aux personnes prostituées. Implanté dans toute la France, le Mouvement du Nid est à la fois une association de terrain et un mouvement de société : il appelle à un engagement citoyen, politique et culturel contre le système de la prostitution et l’ensemble des violences contre les femmes
- https://amicaledunid.org/
- https://mouvementdunid.org/mouvement-du-nid/delegations/
-L’ACPE, l’association Agir Contre la Prostitution des Enfants, lutte contre toutes les formes d’exploitation sexuelle des mi neur·es en France et dans le monde, contre la pédocriminalité et la pédopornographie.
www.acpe-asso.org
-La Fédération nationale des Centres d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles (FN CIDFF)
La FN CIDFF vise à l’autonomie des femmes et des familles et à agir en matière d’accès aux droits pour les femmes, de lutte contre les discriminations sexistes et de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle assure la coordination de 105 CIDFF et de 13 fédérations régionales présents sur le territoire.
www.infofemmes.com
-Femmes solidaires
A la tête d’un réseau de plus de 190 associations locales réparties en métropole et dans les DOM-TOM, Femmes solidaires est un mouvement féministe d’éducation populaire qui défend les valeurs fondamentales de laïcité, de mixité, d’égalité pour les droits des femmes. Elle informe, sensibilise sur les droits des femmes afin de contribuer à l’évolution des mentalités vers une société libérée des rapports de domination et travaille sur toutes les formes de violences.
www.femmes-solidaires.org
L’escorting est une pratique désignant plusieurs situations préprostitutionnelles et prostitutionnelles. L’escort est payé pour tenir compagnie à une personne et/ou l’accompagner à des événements sociaux (restaurant, cinéma, réunions, voyages...). Les rencontres peuvent se dérouler en tête à tête ou en présence d’autres personnes. Elles peuvent aller d’un simple repas à des relations plus in times… Mais il s’agit en très grande majorité de relations sexuelles tarifées.
Les prises de contact, dont l’accès est facilitée par Internet, se font majoritairement via des sites et applications d’annonces, de rencontres, de tchats : Coco, Sexemodels, MYM, Vivastreet, Onlyfans , Le Bon Coin,etc..
Grooming
Le « grooming » désigne une stratégie menée par une personne majeure envers une personne mineure, dont l’objectif est de créer un lien de confiance et émotionnel permettant à terme au majeur de faire des propositions sexuelles et, souvent, d’abuser sexuellement de la personne mineure. 70 % des situations identifiées comme du « grooming » ont lieu sur les réseaux sociaux. Le « sugar dating »
Le « sugar dating » désigne le fait pour une personne jeune (mineure ou majeure) d’entretenir avec une personne plus âgée une relation romantique ou affective souvent contre de l’argent mais également en retour de biens ou de services. La personne la plus âgée est générale ment un homme à la situation financière confortable appelé « sugar daddy » et la plus jeune principalement une femme nommée « sugar baby ». Cette pratique favorise l’entrée en prostitution progressive des jeunes, souvent des étudiantes, et commence par des relations tarifées sans rapports sexuels dans des lieux publics qui évoluent par la suite vers des rapports sexuels tarifés.
Loverboy
Le « loverboy » désigne un jeune homme dont l’objectif est de créer l’illusion d’une relation affective auprès d'une jeune fille pour l’inciter par la suite, à se prostituer. Ces hommes sont souvent des mineurs ou des majeurs à peine plus âgés que leurs victimes et passent très souvent par les réseaux sociaux afin d’approcher les jeunes filles. Ils mettent en place un mécanisme d’emprise psychologique et de dépendance affective afin d’isoler socialement la victime et, peu à peu, l’entrainer vers des pratiques prostitutionnelles. Ce mécanisme se base notamment sur le cycle des violences qui se décline en quatre phases : la lune de miel, les tensions, la crise, et la justification, avant d’entamer à nouveau la phase de lune de miel. Il s’agit d’un cercle vicieux per mettant à l’emprise de perdurer, expliquant en partie la durabilité d’une relation entre un loverboy et sa victime, les difficultés à identifier la situation pour l’entourage ainsi que les freins pour la victime à sortir de cette situation.
Michetonnage / Pigeonnage /Pédocriminalité
Le « michetonnage » ou « pigeonnage » désigne une conduite préprostitutionnelle. Il s’agit généralement d’une relation entre un ou une jeune et une personne plus âgée offrant des faveurs financières et/ou matérielles dans l’attente ou en échange d’actes sexuels. Ce type de relation peut constituer un biais d’entrée dans les pratiques prostitutionnelles du fait de sa complexité et de son ambiguïté. Elle peut créer chez une jeune personne un sentiment de redevabilité et de reconnaissance, voire de dépendance, qui peut l’amener à céder aux sollicitations sexuelles.
Le terme pédocriminalité désigne les crimes à l’encontre de mineurs. Ils se réfèrent principalement à l’abus et l’exploitation sexuelle de mineurs comprenant le harcèlement sexuel, les agressions sexuelles ainsi que le viol. Les individus recourant à la prostitution de mineurs sont en grande majorité des majeurs. Dès lors, ces situations de prostitution revêtent un caractère pédocriminel. Le caractère pédocriminel est retenu pénalement même si les auteurs estiment n’avoir eu aucune preuve qu’il s’agissait d’une personne mineure. L’utilisation des réseaux sociaux et des sites internet facilite la diffusion et la commercialisation d’images à caractère pédopornographique ainsi que les rencontres à caractère prostitutionnel entre les personnes mineures et majeures.
Comment aborder le sujet avec un ou une élève pour lequel, laquelle on s’inquiète ?
(Cf Livret ACCOMPAGNER ET PROTÉGER LES MINEURES EN SITUATION PROSTITUTIONNELLE OU EN RISQUE DE L’ÊTRE-Centre Hubertine Auclert))
- Poser un cadre bienveillant et transparent, instaurer un climat de confiance
- Partir de nos inquiétudes, exprimer que la/le jeune nous semble en danger -
- Reprendre sans jugement les signes qu’elle montre à voir, dire ce que l’on voit - Oser poser la question des violences subies et de la prostitution : « Est-ce qu’il y a quelque chose qui t’a fait souffrir ? », « Est-ce que tu penses que tu as subi des violences ? »,
« Je suis là pour t’aider », « As-tu le sentiment de prendre des risques ? », puis « Tu veux m’en
dire plus ?
-Utiliser au départ le vocabulaire de la jeune (« escort », « michto », « bosseur »,
« protecteur », etc.), le questionner et le déconstruire
-S’appuyer sur la loi dans sa dimension protectrice
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