Les violences et les discriminations en milieu scolaire
Des dizaines de situations dans l'enseignement agricole documentées pour pouvoir réfléchir, prévenir et agir !
Violences hors-ecole
Agir contre des exclusions liees a la precarite
Violences sociétales Agir et gérer une crise
De la précarité au phénomène d'exclusion
Témoignage
Lucas est arrivé en seconde au lycée. C’est un élève motivé par la filière choisie, qui s’intègre au groupe classe, et dont ni le comportement, ni les résultats scolaires ne posent question. Il est demi-pensionnaire.
En classe de première, Lucas est de moins en moins présent en cours, ses résultats scolaires sont juste corrects et ses camarades de classe commencent à s’éloigner de lui, voire même ne plus vouloir le fréquenter. Le Professeur Principal (PP) et la Conseillère Principale d’Éducation (CPE) reçoivent Lucas en entretien qui affirme que tout va bien. Lors de cet entretien, ils notent que Lucas sent fort et que ses habits ne paraissent pas très nets. Ils demandent à Lucas de faire des efforts par rapport à son absentéisme et ses résultats scolaires. Or, au moment du conseil de classe du second trimestre, le constat est unanime : manque de travail, de concentration, exclusion du groupe classe et surtout un absentéisme trop important. Le PP et le CPE proposent à l’équipe de s’entretenir avec la famille.
Lors de cet entretien, Lucas s’engage par écrit à faire des efforts devant sa maman. C’est effectivement le cas, et l’année scolaire se termine.
A la rentrée suivante, dès les premières semaines, Lucas est absent régulièrement (au moins 1 jour sur 2). Les différents entretiens ne mènent à rien. Une commission éducative est réunie afin de s’emparer en équipe du problème en présence de Lucas et de sa famille (il est en effet primordial d’associer la famille et de ne pas penser à leur place). La CPE, grâce aux délégués de classe, arrive néanmoins à comprendre que la situation financière de la maman de Lucas et de son beau-père est désastreuse, qu’ils vivent dans un mobil home sans eau, ni électricité, que ses camarades ne supportent plus son odeur, et que c’est pour cette raison que Lucas ne vient presque plus, préférant traîner dans un café pour jouer à des jeux vidéo.
La commission éducative prend donc la décision de proposer à la famille une intégration de Lucas à l’internat (pour mettre fin à son absentéisme et permettre une (re)socialisation de ce dernier). Un dossier de bourse est monté en urgence pour faire face au coût de l’internat, corrélé à une demande de FSL (Fonds Social Lycéen) pour compléter le dispositif ainsi qu’une mise en relation avec les services sociaux pour aider la famille à trouver des solutions pérennes. Cet accompagnement avec la famille a permis de créer du lien famille-école, mais surtout d’aider à obtenir les aides financières auxquelles cette famille avait droit, ainsi que la mise en place d’un suivi avec les services sociaux qui ont pu accompagner à plus long terme la maman dans sa parentalité.
Lucas a intégré la semaine suivante l’internat. Les camarades l’ont accueilli. Les jeunes sont rentrés spontanément en relation avec leur camarade, puisqu’il n’y avait plus d’obstacle (problème d’hygiène résolu).
Ces situations complexes de précarité sont très "délicates" à traiter car elles font se rencontrer la sphère intime, la famille et l'institution. Si le problème rencontré dans l'établissement s'adresse explicitement au jeune en tant qu'élève, pour autant il peut caché un problème plus global dans la vie du jeune. Il convient d'avoir en tête quelques questions-clés avant d'entamer toute procédure ou toute forme d'entretiens :
1. Si les symptômes relèvent d'un absentéisme ou d'une forme de décrochage, quelles en sont les causes ? Qu'est-ce qui les motivent ? Quels sont les leviers et les freins à envisager dans la relation avec le jeune ou sa famille ? Comment opérer avec le jeune d'une part, avec l'équipe enseignante, la vie scolaire, la famille de l'autre ? Comment glaner des informations et les recouper ? Comment mettre en place des outils de remédiation avec le jeune et non pas seulement pour lui ?
2. Si une forme d'exclusion du jeune est visible, quelles en sont les raisons et pourquoi ? Quelles causes et quelles conséquences sont identifiables ? Dans quel contexte ? Quels en sont les éléments déclencheurs ? Comment cette exclusion s'exprime -t-elle ? Mais tentez aussi de déceler les situations favorables au jeune qui génèrent de l'inclusion, aussi anodines soient-elles. Les dispositifs d’aide ou d'accompagnement, le rôle de l’école sont à penser en contexte. Il n'existe pas de réponses univoques.
3. Si vous percevez un sentiment de honte, un problème d'hygiène ou un problème relevant de la dignité, il est impératif d'accompagner, de mettre en place des solutions concrètes (dans notre situation, intégrer le jeune à l’internat). Au delà de la réponse apportée, la posture à tenir dans le processus de changement est majeur : une posture d'accueil, sécurisante et bienveillante prime souvent sur la réponse elle-même qui sera choisie.
Il s'agit donc de ne pas fermer les yeux, de ne pas avoir des stratégies d'évitement, mais au contraire d'affronter le problème avec le jeune (et la famille si possible), pour ne pas le laisser s’exclure. Et si le problème ou la précarité sont trop installés, il ne faut pas hésiter à établir une "Information Préoccupante" auprès du Conseil Départemental. Celle-ci peut conduire à avoir un relais pour aider la famille à trouver des solutions.
4. Enfin, si des changements sont perceptibles, ceux-ci ne conduisent pas nécessairement à un processus de ré-inclusion chez l'ensemble des acteurs. Il peut être nécessaire de travailler avec l'élève sa ré-inclusion dans le groupe, voire avec l'équipe éducative... Elle peut être difficile pour un jeune qui a été exclu et qui peut continuer à se sentir en difficulté dans son groupe de pairs ou avec les adultes. Reconstruire l'estime de soi par tous les biais possibles en interne ou avec l'aide de partenaires extérieurs est une finalité à ne pas négliger.
Brighelli, J.P. (2023). L'école à deux vitesses. L'Archipel.
Rivière, T. (2023). La distinction. La découverte.
Zaouche Gaudron, C. (2017). Enfants de la précarité. ERES.
FAQ
Comment aborder le sujet quand la demande ne vient pas de l'élève?
Il est particulièrement difficile pour les élèves, dans des situations de précarité, de demander de l'aide. Pour autant, c'est le rôle de l'institution de favoriser le bien-être et le bien vivre des apprenants. Il ne faut pas hésiter à aborder le problème avec l'enfant et surtout à ne rien cacher des démarches que vous souhaitez mettre en place en travaillant avec les parents ou tuteurs afin de rendre tout le monde acteur de l'accompagnement. Vous pouvez lui faire part de votre étonnement, de votre inquiétude, de votre impression, de votre ressenti, pour ouvrir une porte à un dialogue possible. Si la personne s'obstine à ne pas vouloir parler, il s'agit de ne pas insister, de lui montrer que si lui n'a visiblement pas de problème, vous continuez à vous inquiéter, et que votre porte reste ouverte.
Si les parents ou des tuteurs sont inexistants, que faire ? Quelle est votre marge de manœuvre ?
Il est important alors de se rapprocher des services sociaux du secteur, de la mairie du lieu de résidence, et d'avoir recours à une information préoccupante. Nous avons en effet une obligation de signalement pour toute situation considérée dangereuse pour l'enfant.
Comment faire en sorte de valoriser des parents défaillants ?
Il est important de toujours tenter de les associer, de les informer, de ne rien leur cacher sauf si vous soupçonnez des formes de violences parentales, auquel cas, n' - hésitez pas à faire un signalement (pour plus de détails, vous pouvez consulter la fiche "réaliser une information préoccupante" et "réaliser un signalement"). Des parents défaillants peuvent exprimer une forme de culpabilité qui peut se traduire par différents mécanismes de défense : banalisation, déni, agressivité, ... Il s'agit donc de ne pas les culpabiliser, d'être dans une posture d'accueil, sans pour autant renoncer à faire ce qui vous paraît important pour améliorer la qualité de vie de l'enfant.
Comment aborder des problèmes d'hygiène?
Une tendance naturelle est d'avoir une stratégie d'évitement, par peur de blesser l'autre. Il ne faut pas hésiter à poser des questions au jeune sur ses conditions de vie, sans jugement de valeur, pour adapter la prise en charge.
Violences interpersonnelles Violences sociétales Agir et gérer une crise
Suspicion de violence : élaborer une information préoccupante
Témoignage
Jean a 15 ans. C'est un élève studieux, qui a de bons résultats. Depuis deux mois, ces résultats ont chuté et il a maigri. Quand il est sensé revenir de chez son père (les parents étant séparés), le linge qu'il ramène est sale. Lui même n'est pas propre. Le professeur principal s'en inquiète et interroge l'élève. Celui-ci dit au départ que tout va très bien, qu'il n'a aucun problème particulier. Bien que le professeur lui traduise son souci, Jean maintient sa position. La semaine suivante, Jean ne vient pas en cours. Il n'y reviendra que la semaine d'après sans justificatif et sans que son père n'ait répondu aux appels et courriers envoyés par le CPE. La mère qui a été contactée affirme n'avoir aucune relation avec son ex-mari, et ne sait pas ce qui se passe. Le professeur principal interroge Jean mais celui-ci refuse de parler. Il exprime alors qu'une sanction va lui être infligée et qu'il va convoquer ses parents. Jean perd alors pied, pleure. Lorsque l'émotion s'est dissipée il confie qu'il a des soucis dans sa famille, qu'il ne peut pas en dire plus, mais demande à être sanctionné sans que l'on avertisse ses parents. L'enseignant s'interroge, en parle au CPE qui lui propose alors de rédiger une information préoccupante. Après réflexion, ils décident de ne pas prévenir les parents dans l'immédiat.
Quelle posture prendre à l'égard de Jean qui ne souhaite pas se confier ?
La situation implique plusieurs acteurs. Chacun d'entre eux a ses propres enjeux et ses peurs à faire valoir. Les nier ou les minimiser, c'est créer des résistances potentielles. En tenir trop compte, c'est risquer d'oublier que l'intérêt de Jean est supérieur à tous les autres.
Mais comment se positionner si l'enfant refuse de s'exprimer et si vous avez des doutes, la crainte de créer un feu là ou tout allait finalement bien, ou pas si mal ? Vous êtes le témoin d'indicateurs "faibles", du linge sale, d'un parent qui ne répond pas, d'un état d'amaigrissement, etc...
Il peut parfois être raisonnable d'attendre, si vous ne sentez pas de caractères d'urgence, tout en restant vigilant sur l'évolution de l'état de la personne et de son comportement. Mais rappelons aussi qu'un mineur peut déposer plainte 20 ans après sa majorité si quelqu'un n'aurait pas fait de signalement ou d'information préoccupante alors que la situation le justifiait. Il peut être alors préférable de se protéger soi-même. On ne pourra pas vous reprocher d'avoir agi de manière trop hâtive.
Que vous observiez des comportements qui vous troublent, que la personne vous parle, vous n'avez pas à interpréter les paroles ou les faits. Notamment lorsque la personne vient à vous, ou que vous sollicitez une entrevue avec elle, le premier entretien a un enjeu majeur. Vous récoltez sa première version, elle peut être précise ou se réduire à du mutisme ; vous pouvez être surpris, mais quoi qu'il en soit, vous devez vous placer dans la posture de l'accueillir comme elle se présente, de la croire de manière inconditionnelle, sans juger de la véracité des propos relatés. Il ne s'agit pas pour vous de questionner, de chercher à détailler les faits, mais plutôt de maintenir un lien sécurisant, et de lui offrir une écoute attentive. Toute question qui chercherait à approfondir la situation peut conduire la victime potentielle à chercher à répondre à vos attentes, à s'y ajuster. Vous pouvez cependant amener la personne à préciser des termes trop vagues qui ne vous permettraient pas de saisir le niveau d'urgence ou de gravité de la situation. Par exemple : "ça veut dire quoi éviter son père, passer son week-end avec des potes ? ". Si la personne ne parle pas, vous pourrez lui signifier que vous la comprenez, que c'est parfois difficile de s'exprimer, mais que votre porte reste pour elle grande ouverte.
Et finalement vous pourrez lui dire que vous préférez rédiger une information préoccupante, mais que vous aimeriez le faire avec son accord.
Faut-il prévenir les parents ? La réponse est délicate car vous pouvez être tenu responsable d'actes de violence auxquels cela pourrait conduire. Il faut donc juger du bien fondé ou non de contacter le père et/ou la mère selon la situation, telle qu'elle est relatée. Si le jeune traduit de véritables craintes face à cette éventualité, il est sans doute préférable de s'abstenir. Le mieux est donc de lui demander ce qu'il en pense. Et si vous avez un doute, il est préférable de ne pas le faire.
Va sans doute alors se poser la question pour vous de rédiger une information préoccupante ou d'opter pour un signalement ? Si il n'y a pas d'urgence caractérisée et si le jeune vous dit qu'il va encore réfléchir, il est préférable de ne pas agir trop vite. Si vous avez de sérieux doute, penser que ne rien faire contribue à renforcer les traumatismes de la personne. Si vous considérez le danger imminent, récurrent, et qui va sans doute se reproduire dans de brefs délais, il est préférable de faire un signalement. dans le cas contraire, vous opterez plutôt pour une information préoccupante.
Qui la rédige? Tout citoyen peut le faire, et notamment toute personne travaillant dans un service public. Mais comme vous pouvez vous sentir mal à l'aise pour le faire de votre propre chef, vous pouvez solliciter le chef d'établissement ou le CPE pour la rédiger ou pour vous conseiller.
Quelques précautions méritent d'être considérées dans la manière dont vous rédigez une Information préoccupante. L'Information préoccupante relate les faits que son rédacteur a vécu avec la victime potentielle. Il s'agit donc d'éviter toute forme d'interprétations. Vous pourrez utiliser des formulations telles que : "je l'ai invité à venir dans mon bureau et je lui ai demandé : ".." ; elle m'a répondu : "..." en tentant d'être au plus près des mots prononcés. Par ailleurs citer le nom d’une personne tiers qui est intervenue (un enseignant, un autre élève,...), c'est l'impliquer ; elle pourra être amenée par la suite à être interrogée. Citer un tiers, c'est donc le faire à bon escient.
Vous pouvez souhaiter à juste titre d'être averti des suites judiciaires qui seront données à l'Information préoccupante. Il n'y a pas de règles générales en la matière. Chaque CRIP (Cellule de recueil des Informations préoccupantes) a sa stratégie.
Vous pouvez enfin vivre difficilement d'avoir rédigé ou d'avoir à rédiger une information prioritaire, vous sentir mal à l'aise. N'hésitez pas à contacter des associations qui sont là pour vous conseiller, vous réconforter.
Ressources
Loi de mars 2007 sur la protection de l'enfance. Cette loi précise les besoins fondamentaux de l'enfant, le rôle du conseil général dans le traitement et le suivi des enfants en situation de danger, l'obligation de formation des enseignants dans le domaine de la protection de l'enfance, des mesures préventives à prendre par notamment l'infirmière attachée à l'établissement, et l'élaboration du PPE (projet pour l'enfant).
La loi de 2016 relative à la protection de l'enfant répond à un souci de décloisonnement des institutions en charge de la protection de l'enfant. Les informations préoccupantes font l'objet d'un traitement pluridisciplinaire et d'une évaluation tous les ans.
Décret fixant le contenu du PPE. Il précise les informations contenues dans le PPE, notamment relativement au suivi scolaire de l'enfant.
L'article 8 du code procédure pénale précise les devoirs des témoins d'acte de violence, et les risques encourus s'ils ne font aucun signalement, ni information.
Un exemple d'information préoccupante. Sans qu'il ait vocation à devenir un modèle, nous vous proposons un exemple d'information préoccupante susceptible de vous aider à rédiger la vôtre.
L'association Colosse aux pieds d'argile a une convention avec le Ministère en charge de l'agriculture. Vous pouvez les contacter pour vous faire aider dans vos démarches.
Source : https://cvm-mineurs.org/page/l-information-preoccupante-et-le-signalement-1
Depuis la loi du 5 Mars 2007 réformant la protection de l'enfance, le président du conseil départemental est en charge du recueil, du traitement et de l'évaluation des informations préoccupantes concernant les enfants en danger ou en risque de danger. L’information préoccupante est définie comme "une information transmise à la cellule départementale pour alerter le président du conseil général sur la situation d’un mineur, bénéficiant ou non d’un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risquent de l’être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risquent de l’être" (CASF, art. R226-2-2). L'IP concerne un enfant en danger ou en risque de l'être, c'est-à-dire un mineur dont on craint pour sa santé, sa sécurité, sa moralité. La finalité de cette transmission est d’évaluer la situation d’un mineur et de déterminer les actions de protection et d’aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier.
Sauf intérêt contraire de l’enfant, le professionnel doit informer de cette transmission les père, mère ou toute autre personne exerçant l’autorité parentale ou le tuteur, selon des modalités adaptées (CASF, art. L226-2-1).
Cette information est transmise à la cellule de recueil, du traitement et de l'évaluation des informations préoccupantes (CRIP) du département.
Puis-je faire une IP/un signalement sans témoignage direct de l’enfant ?
L’IP ne vaut pas lieu de dénonciation. Elle est analysée par la CRIP et peut faire l’objet d’une enquête et si nécessaire, elle sera ensuite traitée par la justice. L’enquête pourra donc valider ou invalider la pertinence de l’IP. Il n'est donc pas nécessaire d'avoir un témoignage direct de l'enfant pour faire une IP.
Puis-je rédiger et signer seul(e) une IP ?
Tout citoyen peut rédiger et signer une IP. Il est cependant préférable qu’une IP établie dans un établissement soit co-signée par la direction. Il est en effet souhaitable de partager l’information avec l’équipe de direction et les permanenciers qui peuvent être contactés, mais la co-signature peut aussi permettre d’éviter des IP abusives.
En tant qu’infirmière, ai-je le droit de divulguer à la CPE et aux autres membres de l'équipe éducative mes observations ?
Le secret partagé était jusqu'à présent uniquement autorisé entre professionnels de santé. La loi du 27 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a remis en cause ce principe en permettant à d'autres professions (liste précisée à l'article R. 1110-2 du CSP) de participer à cet échange d'informations couvertes par le secret médical. Les professionnels autres que les professionnels de santé concernés sont au sein de l'établissement : les salariés des établissements.
Si je fais un signalement/ une IP serai-je amené à témoigner par la suite ?
Oui, je peux l’être, mais être entendu n’est pas être incriminé.
Comment recueillir la parole du jeune ?
Il est préférable d'être à deux si la situation le permet. Il est recommandé de favoriser la présence de la personne qui a été sollicitée avec la personne en souffrance et un membre de l’équipe de direction.
Si un jeune me demande de garder secret ce qu’il me dit, dois-je respecter sa demande ?
Non, il n'est pas possible de faire une telle promesse et il est indispensable de l'expliquer clairement à la personne tout en tentant de garder cependant le lien.
Puis-je être conseillé si j’ai des doutes sur le fait de rédiger une IP ?
Oui, en contactant le 119, service national téléphonique pour l'enfance en danger (SNATED) ou la maison des adolescents.
Que se passe-t-il si je fais un signalement/une IP alors qu’il s’avère que le jeune a menti ?
Toute situation inquiétante mérite d’être prise en compte. Vous n’avez pas à juger de la véracité des déclarations.
Est-il préférable de faire une IP ou un signalement ?
Un signalement est à envisager si le danger est considéré imminent. Si le jeune mentionne une violence récurrente et toujours actuelle, il est par exemple préférable de faire un signalement. Le danger imminent peut aussi être envisagé au regard des témoignages tenus par les personnes de l'entourage (frère, soeur, …) de la personne en souffrance.
Comment conseiller un jeune mineur qui souhaite porter plainte ?
Un mineur peut porter plainte lui-même en adressant un courrier au procureur de la république, ou en utilisant le téléservice de pré-plainte en ligne, ou en se rendant seul ou accompagné dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie.
Je dois rédiger un communiqué de presse, face à une situation qui a concerné mon établissement, comment faire ?
Un tel communiqué est délicat à rédiger. Nous vous conseillons de vous rapprocher d'un chargé de communication, notamment de ceux salariés de l'association "Colosses aux pieds d'argile" qui a une convention avec la DGER.
Si je rédige une IP, je crains les réactions des parents, ou des agresseurs. Comment faire ?
Une IP collégiale permet de vous protéger. Si vous êtes par exemple à deux à avoir accueilli la parole de l'élève, chacun d'entre vous peut rédiger une partie.
Violences sociétales Prévenir et éduquer Agir et gérer une crise
Violence dans le cercle familial: élaborer un signalement
Témoignage
Emma est arrivée en Seconde au lycée agricole.
C’est une jeune très introvertie, très timide, elle a peur de l’adulte, notamment des hommes, comme le proviseur-adjoint.
Lorsqu'elle rencontre un problème de santé et qu’elle serait supposée rentrer chez elle, elle s'y refuse généralement et fait tout pour être la plus présente possible en formation et quoi qu'il en soit pour rester à l'école. Lorsque la vie scolaire contacte la famille, c'est toujours sa mère qui est l'interlocutrice.
Alors qu'Emma est en Terminale, elle manifeste un jour une crise d'angoisse et va à l’infirmerie. L'infirmière observe qu'elle présente des coups aux avant-bras. L'infirmière partage avec Emma ses observations : l'angoisse que manifeste Emma, les coups sur les bras, qui lui font comprendre qu'Emma ne va pas bien. Emma exprime alors subir des actes de violence au sein du cercle familial. Elle déclare que son père la frappe.
L'infirmière décide de prendre en note les propos d'Emma et lui demande la possibilité de prendre des photos de ses bras. Elle précise que ce qu'elle a observé, et ce qui a été dit par Emma est entendu et pris en compte.
Quelle posture prendre dans la situation d'Emma qui révèle subir des violences intra familiales ? Dans cette situation la difficulté est de savoir qui alerter et sous quelle forme. L'intérêt de la jeune fille reste supérieur à tous les autres. Dans ce cas de suspicion de violences familiales avec un témoignage explicite de la jeune fille, la situation relève d'une mesure de signalement auprès du Procureur de la République.
La phase d'entretien :
Lorsque le jeune vient à vous, le premier entretien a un enjeu majeur.
D'abord, il faut veiller à maîtriser vos émotions de manière à faire les constats et recueillir les propos du jeune sans dramatiser ou minimiser les faits. Cela permet d'éviter que le jeune cherche à répondre à vos attentes, ou à s'y ajuster.
Ensuite, vous ne devez pas remettre en cause ou minimiser la parole du jeune qui se confie, quelle que soit la nature des faits relatés (flous, incomplets, incroyables). Il ne s'agit pas pour vous d'interroger ou d'enquêter, mais seulement de maintenir un lien sécurisant, et offrir une écoute attentive et bienveillante.
Vous pouvez cependant amener la personne à préciser des termes trop vagues qui ne vous permettraient pas de saisir le niveau d'urgence ou de gravité de la situation par des questions ouvertes. Attention toutefois à ne pas orienter les propos relatés ou à induire des termes. Par exemple des questions pourront être : « Tu veux m'en dire plus » ? « Qu’est-ce que cela veut dire pour toi » ?
Il s'agit de permettre de déplier la pensée de l'autre, sans induire de réponse.
Par ailleurs, seul le Procureur de la République peut décider d'une visite d'un médecin légiste pour un recueil de traces et indices. La démarche de l'écoutant de prendre des photos de traces matérielles, avec l'accord de la personne, permet d'associer des éléments factuels à la rédaction du signalement.
La phase de signalement :
L'adulte qui a recueilli la situation ne doit pas rester seul. Il est possible de réaliser le signalement à plusieurs mains (les écoutants et le chef d'établissement par exemple). Il est important de constituer un réseau pour que les écoutants ne restent pas isolés face à des situations délicates, et pour constituer un maillage d'adultes soutenants autour de la personne à court terme et à plus long terme, suivant la durée de l'enquête.
Le chef d'établissement doit prendre contact avec la gendarmerie ou la police pour signaler la situation recueillie. Dans le même temps, un signalement au Procureur de la République est fait par l'établissement, sauf s'il y a un recueil des faits par un service judiciaire.
Lors d'une démarche de signalement, la préconisation est d'éviter de prévenir la famille d’autant plus si les faits impliquent un membre de la famille ou des tiers connus.
A la rédaction du signalement, la situation décrite doit rester très factuelle : indiquer le jour et l'heure du recueil de la situation, le jour et l'heure des faits révélés si la personne l'a indiqué, les comportements observés pendant l’entretien, les constats faits (comme par exemple des photos de traces corporelles, ou matérielles). Les propos de la personne doivent être retranscrits textuellement, en utilisant des guillemets.
L'établissement peut se faire accompagner dans sa démarche par des organismes habilités pour se faire expliquer les modalités du signalement, soutenir les personnes concernées, voire être appuyé à la rédaction même du signalement (le 119 par exemple est un organisme habilité).
Lorsque la famille de la personne est en jeu, le signalement peut être doublé d'une information préoccupante auprès de la CRIP (la cellule de recueil des informations préoccupantes), qui peut connaître des éléments concernant la sphère familiale, pour transmettre au Procureur ou bien soutenir la personne.
Ressources
La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants dite « Loi Taquet » prévoit un certain nombre de mesures destinées à améliorer la situation et la sécurité des enfants protégés par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) et notamment l'accompagnement de ces enfants jusqu'à 21 ans. D'autres dispositions visent à améliorer les conditions de travail des assistants familiaux et à mieux piloter la politique de prévention et de protection de l'enfance.
Source : Service public.fr
L'article 8 du code procédure pénale précise les devoirs des témoins d'acte de violence, et les risques encourus s'ils ne font aucun signalement, ni information.
Vos droits et devoirs face à un enfant en danger vous fournit les informations nécessaires pour contacter les structures ad hoc si un enfant est considéré en danger.
En savoir plus sur le CRIP. Vous découvrirez comment fonctionne le CRIP dans le traitement d'une information préoccupante.
Guide d'accompagnement pour la protection de l'enfance. Ce guide très complet vous informe de la manière de repérer, évaluer et agir lorsque vous êtes confronté à une situation relevant de la protection de l'enfance.
Une fiche-type de recueil d'un signalement
numéro vert enfance en danger : numéro vert enfance en danger : 119
L'association Colosse aux pieds d'argile a une convention avec le Ministère en charge de l'agriculture. Vous pouvez les contacter pour vous faire aider dans vos démarches.
Bibliographie
Mugnier J.P. (2006). La promesse des enfants meurtris. Ed. fabert.
Puis-je faire une IP/un signalement sans témoignage direct de l’enfant ?
L’IP ne vaut pas lieu de dénonciation. Elle est analysée par la CRIP et peut faire l’objet d’une enquête et si nécessaire, elle sera ensuite traitée par la justice. L’enquête pourra donc valider ou invalider la pertinence de l’IP. Il n'est donc pas nécessaire d'avoir un témoignage direct de l'enfant pour faire une IP.
Puis-je rédiger et signer seul(e) une IP/un signalement ?
Tout citoyen peut rédiger et signer une IP ou un signalement. Il est cependant préférable qu’une IP/un signalement établi(e) dans un établissement soit co-signé(e) par la direction. Il est en effet souhaitable de partager l’information avec l’équipe de direction et les permanenciers qui peuvent être contactés, mais la co-signature peut aussi permettre d’éviter des IP/signalement abusifs.
En tant qu’infirmière, ai-je le droit de divulguer à la CPE et aux autres membres de l'équipe éducative mes observations ?
Le secret partagé était jusqu'à présent uniquement autorisé entre professionnels de santé. La loi du 27 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a remis en cause ce principe en permettant à d'autres professions (liste précisée à l'article R. 1110-2 du CSP) de participer à cet échange d'informations couvertes par le secret médical. Les professionnels autres que les professionnels de santé concernés sont au sein de l'établissement : les salariés des établissements.
Si je fais un signalement/ une IP serai-je amené à témoigner par la suite ?
Oui, je peux l’être, mais être entendu n’est pas être incriminé.
Comment recueillir la parole du jeune ?
Il est préférable d'être à deux si la situation le permet. Il est recommandé de favoriser la présence de la personne qui a été sollicitée avec la personne en souffrance et un membre de l’équipe de direction.
Si un jeune me demande de garder secret ce qu’il me dit, dois-je respecter sa demande ?
Non, il n'est pas possible de faire une telle promesse et il est indispensable de l'expliquer clairement à la personne tout en tentant de garder cependant le lien.
Puis-je être conseillé si j’ai des doutes sur le fait de rédiger une IP/un signalement ?
Oui, en contactant le 119, service national téléphonique pour l'enfance en danger (SNATED) ou la maison des adolescents.
Que se passe-t-il si je fais un signalement/une IP alors qu’il s’avère que le jeune a menti ?
Toute situation inquiétante mérite d’être prise en compte. Vous n’avez pas à juger de la véracité des déclarations.
Est-il préférable de faire une IP ou un signalement ?
Un signalement est à envisager si le danger est considéré imminent. Si le jeune mentionne une violence récurrente et toujours actuelle, il est par exemple préférable de faire un signalement. Le danger imminent peut aussi être envisagé au regard des témoignages tenus par les personnes de l'entourage (frère, soeur, …) de la personne en souffrance.
Comment conseiller un jeune mineur qui souhaite porter plainte ?
Un mineur peut porter plainte lui-même en adressant un courrier au procureur de la république, ou en utilisant le téléservice de pré-plainte en ligne, ou en se rendant seul ou accompagné dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie.
Je dois rédiger un communiqué de presse, face à une situation qui a concerné mon établissement, comment faire ?
Un tel communiqué est délicat à rédiger. Nous vous conseillons de vous rapprocher d'un chargé de communication, notamment de ceux salariés de l'association "Colosses aux pieds d'argile" qui a une convention avec la DGER.
Si je rédige une IP/un signalement, je crains les réactions des parents, ou des agresseurs. Comment faire ?
Une démarche collégiale permet de vous protéger. Si vous êtes par exemple à deux à avoir accueilli la parole de l'élève, chacun d'entre vous peut rédiger une partie.