Elaborer une information préoccupante

Violences interpersonnelles Violences sociétales Agir et gérer une crise
Suspicion de violence : élaborer une information préoccupante

Témoignage

Jean a 15 ans. C'est un élève studieux, qui a de bons résultats. Depuis deux mois, ces résultats ont chuté et il a maigri. Quand il est sensé revenir de chez son père (les parents étant séparés), le linge qu'il ramène est sale. Lui même n'est pas propre. Le professeur principal s'en inquiète et interroge l'élève. Celui-ci dit au départ que tout va très bien, qu'il n'a aucun problème particulier. Bien que le professeur lui traduise son souci, Jean maintient sa position.
image pexelscottonbrostudio4100434.jpg (2.7MB)
La semaine suivante, Jean ne vient pas en cours. Il n'y reviendra que la semaine d'après sans justificatif et sans que son père n'ait répondu aux appels et courriers envoyés par le CPE. La mère qui a été contactée affirme n'avoir aucune relation avec son ex-mari, et ne sait pas ce qui se passe. Le professeur principal interroge Jean mais celui-ci refuse de parler. Il exprime alors qu'une sanction va lui être infligée et qu'il va convoquer ses parents. Jean perd alors pied, pleure. Lorsque l'émotion s'est dissipée il confie qu'il a des soucis dans sa famille, qu'il ne peut pas en dire plus, mais demande à être sanctionné sans que l'on avertisse ses parents. L'enseignant s'interroge, en parle au CPE qui lui propose alors de rédiger une information préoccupante. Après réflexion, ils décident de ne pas prévenir les parents dans l'immédiat.

L'essentiel à savoir

Fichier audio : Télécharger le fichier Information_Proccupante.mp3

image vignette.png (17.1kB)

Elaborer une information préoccupante


Quelle posture prendre à l'égard de Jean qui ne souhaite pas se confier ?
La situation implique plusieurs acteurs. Chacun d'entre eux a ses propres enjeux et ses peurs à faire valoir. Les nier ou les minimiser, c'est créer des résistances potentielles. En tenir trop compte, c'est risquer d'oublier que l'intérêt de Jean est supérieur à tous les autres.

Mais comment se positionner si l'enfant refuse de s'exprimer et si vous avez des doutes, la crainte de créer un feu là ou tout allait finalement bien, ou pas si mal ? Vous êtes le témoin d'indicateurs "faibles", du linge sale, d'un parent qui ne répond pas, d'un état d'amaigrissement, etc...
Il peut parfois être raisonnable d'attendre, si vous ne sentez pas de caractères d'urgence, tout en restant vigilant sur l'évolution de l'état de la personne et de son comportement. Mais rappelons aussi qu'un mineur peut déposer plainte 20 ans après sa majorité si quelqu'un n'aurait pas fait de signalement ou d'information préoccupante alors que la situation le justifiait. Il peut être alors préférable de se protéger soi-même. On ne pourra pas vous reprocher d'avoir agi de manière trop hâtive.

Que vous observiez des comportements qui vous troublent, que la personne vous parle, vous n'avez pas à interpréter les paroles ou les faits. Notamment lorsque la personne vient à vous, ou que vous sollicitez une entrevue avec elle, le premier entretien a un enjeu majeur. Vous récoltez sa première version, elle peut être précise ou se réduire à du mutisme ; vous pouvez être surpris, mais quoi qu'il en soit, vous devez vous placer dans la posture de l'accueillir comme elle se présente, de la croire de manière inconditionnelle, sans juger de la véracité des propos relatés. Il ne s'agit pas pour vous de questionner, de chercher à détailler les faits, mais plutôt de maintenir un lien sécurisant, et de lui offrir une écoute attentive. Toute question qui chercherait à approfondir la situation peut conduire la victime potentielle à chercher à répondre à vos attentes, à s'y ajuster. Vous pouvez cependant amener la personne à préciser des termes trop vagues qui ne vous permettraient pas de saisir le niveau d'urgence ou de gravité de la situation. Par exemple : "ça veut dire quoi éviter son père, passer son week-end avec des potes ? ". Si la personne ne parle pas, vous pourrez lui signifier que vous la comprenez, que c'est parfois difficile de s'exprimer, mais que votre porte reste pour elle grande ouverte.
Et finalement vous pourrez lui dire que vous préférez rédiger une information préoccupante, mais que vous aimeriez le faire avec son accord.

Faut-il prévenir les parents ? La réponse est délicate car vous pouvez être tenu responsable d'actes de violence auxquels cela pourrait conduire. Il faut donc juger du bien fondé ou non de contacter le père et/ou la mère selon la situation, telle qu'elle est relatée. Si le jeune traduit de véritables craintes face à cette éventualité, il est sans doute préférable de s'abstenir. Le mieux est donc de lui demander ce qu'il en pense. Et si vous avez un doute, il est préférable de ne pas le faire.

Va sans doute alors se poser la question pour vous de rédiger une information préoccupante ou d'opter pour un signalement ? Si il n'y a pas d'urgence caractérisée et si le jeune vous dit qu'il va encore réfléchir, il est préférable de ne pas agir trop vite. Si vous avez de sérieux doute, penser que ne rien faire contribue à renforcer les traumatismes de la personne. Si vous considérez le danger imminent, récurrent, et qui va sans doute se reproduire dans de brefs délais, il est préférable de faire un signalement. dans le cas contraire, vous opterez plutôt pour une information préoccupante.

Qui la rédige? Tout citoyen peut le faire, et notamment toute personne travaillant dans un service public. Mais comme vous pouvez vous sentir mal à l'aise pour le faire de votre propre chef, vous pouvez solliciter le chef d'établissement ou le CPE pour la rédiger ou pour vous conseiller.

Quelques précautions méritent d'être considérées dans la manière dont vous rédigez une Information préoccupante. L'Information préoccupante relate les faits que son rédacteur a vécu avec la victime potentielle. Il s'agit donc d'éviter toute forme d'interprétations. Vous pourrez utiliser des formulations telles que : "je l'ai invité à venir dans mon bureau et je lui ai demandé : ".." ; elle m'a répondu : "..." en tentant d'être au plus près des mots prononcés. Par ailleurs citer le nom d’une personne tiers qui est intervenue (un enseignant, un autre élève,...), c'est l'impliquer ; elle pourra être amenée par la suite à être interrogée. Citer un tiers, c'est donc le faire à bon escient.
Vous pouvez souhaiter à juste titre d'être averti des suites judiciaires qui seront données à l'Information préoccupante. Il n'y a pas de règles générales en la matière. Chaque CRIP (Cellule de recueil des Informations préoccupantes) a sa stratégie.
Vous pouvez enfin vivre difficilement d'avoir rédigé ou d'avoir à rédiger une information prioritaire, vous sentir mal à l'aise. N'hésitez pas à contacter des associations qui sont là pour vous conseiller, vous réconforter.

Ressources

Loi de mars 2007 sur la protection de l'enfance. Cette loi précise les besoins fondamentaux de l'enfant, le rôle du conseil général dans le traitement et le suivi des enfants en situation de danger, l'obligation de formation des enseignants dans le domaine de la protection de l'enfance, des mesures préventives à prendre par notamment l'infirmière attachée à l'établissement, et l'élaboration du PPE (projet pour l'enfant).

La loi de 2016 relative à la protection de l'enfant répond à un souci de décloisonnement des institutions en charge de la protection de l'enfant. Les informations préoccupantes font l'objet d'un traitement pluridisciplinaire et d'une évaluation tous les ans.

Décret fixant le contenu du PPE. Il précise les informations contenues dans le PPE, notamment relativement au suivi scolaire de l'enfant.

Le Dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement de d'agissements sexistes dans la fonction publique précise les modalités de recueil de signalement et d'orientation de la victime.

L'article 8 du code procédure pénale précise les devoirs des témoins d'acte de violence, et les risques encourus s'ils ne font aucun signalement, ni information.

Vos droits et devoirs face à un enfant en danger vous fournit les informations nécessaires pour contacter les structures ad hoc si un enfant est considéré en danger.

En savoir plus sur le CRIP. Vous découvrirez comment fonctionne le CRIP dans le traitement d'une information préoccupante.

Le guide d'accompagnement pour la protection de l'enfance , très complet, vous informe de la manière de repérer, évaluer et agir lorsque vous êtes confronté à une situation relevant de la protection de l'enfance.

Une fiche-type de recueil d'une Information préoccupante

Un exemple d'information préoccupante . Sans qu'il ait vocation à devenir un modèle, nous vous proposons un exemple d'information préoccupante susceptible de vous aider à rédiger la vôtre.

Schéma de recueil, d'évaluation, de traitement des informations préoccupantes

Informations pratiques sur nos droits et devoirs

numéro vert enfance en danger : 119

L'association Colosse aux pieds d'argile a une convention avec le Ministère en charge de l'agriculture. Vous pouvez les contacter pour vous faire aider dans vos démarches.

Bibliographie

FAQ

  • Qu’est-ce qu’une Information Préoccupante (IP) ?
Source : https://cvm-mineurs.org/page/l-information-preoccupante-et-le-signalement-1
Depuis la loi du 5 Mars 2007 réformant la protection de l'enfance, le président du conseil départemental est en charge du recueil, du traitement et de l'évaluation des informations préoccupantes concernant les enfants en danger ou en risque de danger. L’information préoccupante est définie comme "une information transmise à la cellule départementale pour alerter le président du conseil général sur la situation d’un mineur, bénéficiant ou non d’un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risquent de l’être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risquent de l’être" (CASF, art. R226-2-2). L'IP concerne un enfant en danger ou en risque de l'être, c'est-à-dire un mineur dont on craint pour sa santé, sa sécurité, sa moralité. La finalité de cette transmission est d’évaluer la situation d’un mineur et de déterminer les actions de protection et d’aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier.
Sauf intérêt contraire de l’enfant, le professionnel doit informer de cette transmission les père, mère ou toute autre personne exerçant l’autorité parentale ou le tuteur, selon des modalités adaptées (CASF, art. L226-2-1).
Cette information est transmise à la cellule de recueil, du traitement et de l'évaluation des informations préoccupantes (CRIP) du département.

  • Puis-je faire une IP/un signalement sans témoignage direct de l’enfant ?
L’IP ne vaut pas lieu de dénonciation. Elle est analysée par la CRIP et peut faire l’objet d’une enquête et si nécessaire, elle sera ensuite traitée par la justice. L’enquête pourra donc valider ou invalider la pertinence de l’IP. Il n'est donc pas nécessaire d'avoir un témoignage direct de l'enfant pour faire une IP.

  • Puis-je rédiger et signer seul(e) une IP ?
Tout citoyen peut rédiger et signer une IP. Il est cependant préférable qu’une IP établie dans un établissement soit co-signée par la direction. Il est en effet souhaitable de partager l’information avec l’équipe de direction et les permanenciers qui peuvent être contactés, mais la co-signature peut aussi permettre d’éviter des IP abusives.
  • En tant qu’infirmière, ai-je le droit de divulguer à la CPE et aux autres membres de l'équipe éducative mes observations ?
Le secret partagé était jusqu'à présent uniquement autorisé entre professionnels de santé. La loi du 27 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a remis en cause ce principe en permettant à d'autres professions (liste précisée à l'article R. 1110-2 du CSP) de participer à cet échange d'informations couvertes par le secret médical. Les professionnels autres que les professionnels de santé concernés sont au sein de l'établissement : les salariés des établissements.

  • Si je fais un signalement/ une IP serai-je amené à témoigner par la suite ?
Oui, je peux l’être, mais être entendu n’est pas être incriminé.
  • Comment recueillir la parole du jeune ?
  • Il est préférable d'être à deux si la situation le permet. Il est recommandé de favoriser la présence de la personne qui a été sollicitée avec la personne en souffrance et un membre de l’équipe de direction.

  • Si un jeune me demande de garder secret ce qu’il me dit, dois-je respecter sa demande ?
Non, il n'est pas possible de faire une telle promesse et il est indispensable de l'expliquer clairement à la personne tout en tentant de garder cependant le lien.

  • Puis-je être conseillé si j’ai des doutes sur le fait de rédiger une IP ?
Oui, en contactant le 119, service national téléphonique pour l'enfance en danger (SNATED) ou la maison des adolescents.

  • Que se passe-t-il si je fais un signalement/une IP alors qu’il s’avère que le jeune a menti ?
Toute situation inquiétante mérite d’être prise en compte. Vous n’avez pas à juger de la véracité des déclarations.

  • Est-il préférable de faire une IP ou un signalement ?
Un signalement est à envisager si le danger est considéré imminent. Si le jeune mentionne une violence récurrente et toujours actuelle, il est par exemple préférable de faire un signalement. Le danger imminent peut aussi être envisagé au regard des témoignages tenus par les personnes de l'entourage (frère, soeur, …) de la personne en souffrance.

  • Comment conseiller un jeune mineur qui souhaite porter plainte ?
Un mineur peut porter plainte lui-même en adressant un courrier au procureur de la république, ou en utilisant le téléservice de pré-plainte en ligne, ou en se rendant seul ou accompagné dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie.

  • Je dois rédiger un communiqué de presse, face à une situation qui a concerné mon établissement, comment faire ?
Un tel communiqué est délicat à rédiger. Nous vous conseillons de vous rapprocher d'un chargé de communication, notamment de ceux salariés de l'association "Colosses aux pieds d'argile" qui a une convention avec la DGER.

  • Si je rédige une IP, je crains les réactions des parents, ou des agresseurs. Comment faire ?
Une IP collégiale permet de vous protéger. Si vous êtes par exemple à deux à avoir accueilli la parole de l'élève, chacun d'entre vous peut rédiger une partie.