Traiter les fake news

Violences sociétales Prévenir et éduquer
Comment déminer les violence colportées par les fake news ?

Témoignage

Véronique, enseignante en biologie-écologie
"Les élèves sont totalement crédules par rapport aux informations qui leur arrivent. Je fais un cours et certains vérifient sur internet si mes propos sont vrais et bien sûr tombent sur n'importe quelle information douteuse. Il suffit que l'information soit accessible, et ne demande aucun effort de réflexion, car s'inscrivant dans des opinions à l'emporte-pièce, et ils me remettent en cause plutôt que ce qu'ils viennent de lire. Ils en viennent à rejeter la science et les informations qu'elle produit, sous prétexte qu'une personnalité qu'ils adulent dit le contraire, ou qu'une théorie douteuse stimule leur envie de critiquer pour critiquer. Chacun donne son opinion sur n'importe quoi et la qualité de l'argumentation, de la démonstration n'a plus de valeurs. Quant à moi, je me sens complétement discréditée".
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Jean, professeur de français
" C'est stupéfiant de voir ce que les réseaux sociaux, et les informations sur le net véhiculent des propos complotistes, et comment les jeunes sont crédules. Comme les adolescents aiment se révolter, se marginaliser, ce sont des messages qui passent très bien et qu'ils prennent pour argent comptant. Après pas facile de développer une pensée critique, de cultiver le doute. Au contraire ces messages clivent, attisent la colère et la haine".

L'essentiel à savoir

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EN 2019, le CNESCO (centre national d'étude des systèmes scolaires) révélait que le niveau de confiance à l'égard de médias varie au regard des catégories socio-professionnelles dont sont issus les élèves. Les élèves les plus défavorisés auraient une plus grande confiance dans les réseaux sociaux que ceux issus de catégories plus favorisées. Les élèves les plus fragiles sur le plan psychologique sont aussi des cibles privilégiées des fake news. Tenter de les convaincre que la science a des arguments plus fondés à donner est souvent lettre morte. Il est moins couteux en énergie de croire une opinion plutôt que de tenter d'élaborer une réflexion argumentée. C'est à l'absence ou au manque de pensée critique, que l'éducation aux médias et à l'information souhaite répondre. L'EMI, l'éducation aux médias et à l'information vise à favoriser une meilleure compréhension, à donner des capacités d'analyse, de réflexion critique à l'égard des messages médiatiques, et vise à traiter des contextes sociaux, politiques, économiques, technologiques et culturels au sein desquels ces messages sont produits, diffusés et reçus. L'EMI s’inscrit dans une perspective de protection de l'enfance d'une part, et de renforcement de la citoyenneté de l'autre, par le développement d'une pensée critique et d’une conscience politique. Elle cherche à répondre à des problématiques telles les rôles pris par les médias dans les débats, la médiation de la violence, de la sexualité et de la pornographie, différentes formes de manipulation sexiste, ou raciste, ou encore celle opérée par la publicité. Avec le développement du numérique, de nouveaux enjeux sont apparus : nous sommes sollicités par des informations de plus en plus nombreuses et ciblées en fonction de notre profil, de nos intérêts. Les acteurs du numérique recourent de plus en plus à des algorithmes prédictifs qui personnalisent le service rendu et fournissent des éléments pour une prise de décision, risquant d'altérer le libre-arbitre de la personne, et de cliver des groupes sociaux autour d'une pensée dogmatique. Par ailleurs l'usager peut lui aussi être acteur d'une diffusion massive d'information. L'EMI a pris en considération ces nouveaux enjeux.

Les pédagogies valorisées se fondent généralement sur des démarches d'enquête, d'analyse d'informations, et sur une approche réflexive quant à la manière dont les médias nous influencent, en vue non seulement de développer une pensée critique mais aussi de développer une capacité à agir de manière éthique, prudente, responsable. Mais d'autres pédagogues et chercheurs positionnent l’éducation aux médias dans une perspective plus militante, en accompagnant les élèves à déconstruire les mythes véhiculés par les médias dominants. l'EMI est alors un outil de résistance à un ordre social injuste et un moyen d’émancipation collective. Tout dépend des formes de violence médiatique auxquelles nous considérons être confrontées. A ce titre, la didactique des Questions Socialement Vives valorise différentes modalités pédagogiques dans une visée émancipatrice et adaptée à la problématique traitée.

Ressources

  • Le CLEMI, centre pour l'éducation aux médias et à l'information vous propose de nombreuses ressources pédagogiques, présentées sous forme de fiches pédagogiques pour éduquer aux médias
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Développé par de l’association Les Déclencheurs, cet outil invite par le jeu à questionner les images qui nous traversent tous les jours. Par l’expérimentation collective il permet d’instaurer une posture active et attentive face à l’univers des médias et des réseaux, axé sur une démarche d’appropriation préalable par les enseignants qui souhaitent l’utiliser.

  • fiches associées : "les questions socialement vives et leur retentissement à l'école"

Bibliographie

Barbey, F. (2009). L'éducation aux médias. De l’ambiguïté du concept aux défis d’une pratique éducative. Publibook

Corroy-Labardens, L., & Jehel S. (2016). Stéréotypes, discriminations et éducation aux médias. L'Harmattan.

Daviet, E. (2020). Esf, Éducation aux médias et à la citoyenneté. Questions vives.

Gonnet, J. (2001). Éducation aux médias. Les controverses fécondes. Hachette

Hamadi, N. (2021). Petit manuel critique d’éducation aux médias. Les éditions du commun.

Landry, N., & Letellier A.S. (2016). L'éducation aux méfias à l'ère numérique. PU Montréal

Piette, J. (1996). Éducation aux médias et fonction critique. L'harmattan.

Simonneaux, J. (2019). La démarche d'enquête. Une contribution à la didactique des questions socialement vives. Educagri éditions.

FAQ

  • Est-il préférable d'interdire l'utilisation des téléphones portables en cours ou de l'autoriser au risque d'être critiqué ?

Cela dépend de la pédagogie que vous utilisez. Si vous êtes plutôt dans une forme "expositive", certains élèves peuvent chercher à vous "coincer", à démontrer que vous avez tort. Le fait d'interdire le portable peut vous aider, à empêcher de tels comportements. Une autre possibilité est de les enjoindre à chercher sur leurs portables ce qui contredirait vos propos, et finalement d'entamer une éducation aux médias. Et de leur demander d'où vient leur source, et en quoi ils pensent que celle-ci est meilleure que la vôtre, ...C'est une manière de les prendre à leur propre jeu. Une autre approche pédagogique, certes plus longue, consiste à les inscrire dans une démarche d'enquête autour de la problématique que vous voulez traiter, et de les faire rechercher les arguments existants dans les médias ainsi que leurs sources. C'est dans la confrontation entre pairs qu'une pensée critique pourra alors émerger.

  • En allant chercher des informations sur le net tout azimut, n'y-a-t-il pas un risque de donner de la valeur à tous les propos émis et de relativiser finalement ceux de la science ?

C'est ce qui se produit de toute façon. Toute personne s'approprie les propos qui lui conviennent, qui confirment ce qu'elle pense. Nous sommes tous soumis à ce biais de confirmation. Et l'éducation doit justement lutter contre. Il s'agira de questionner les origines de ces propos, et notamment de faire découvrir la nature de la science. Non pas pour la "sanctifier" , lui donner une validité absolue, mais pour montrer dans quel contexte travaille un chercheur, avec quelle méthodologie, et en quoi il est un acteur à part entière dans des choix sociétaux.