Traiter d'une violence contre soi-même

Violences interpersonnelles Agir et gérer une crise
Quand la violence contre soi-même est cachée

Témoignage

Lucie est élève de 1ère Bac Pro. C’est une jeune fille discrète, calme, qui répond aux exigences de la scolarité, elle ne se fait pas remarquer.
Elle est interne et a développé une forte amitié avec une de ses camarades de chambre, Claire.
Un mois après la rentrée, Claire vient voir l’assistante d’éducation qui surveille leur dortoir pour lui dire qu’elle s’inquiète pour Lucie. En effet, celle-ci dissimule en permanence ses bras, ne porte que des vêtements à manches longues quelle que soit la température extérieure. Un matin Claire a cependant réussi à apercevoir les bras dénudés de Lucie et a vu des marques rouges ainsi que des cicatrices, il lui semble également en avoir observé sur ses cuisses.
Après avoir relaté cet incident à la CPE, la surveillante essaie d’observer Lucie sans parvenir à voir ses bras.
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L’infirmière n’est au courant de rien.
La surveillante a remercié Claire d’avoir signalé la situation, et l’a assurée que des adultes allaient essayer d’aider Lucie, sans que celle-ci se sente trahie par son amie. La situation est présentée au GAR (Groupe Adultes Relais) par la CPE. Certains enseignants signalent alors avoir remarqué une attitude différente de Lucie cette année par rapport à l’année passée. Elle semble parfois « ailleurs », est beaucoup moins souriante.
Elle s’est aussi endormie en cours de français et a refusé de s’en expliquer à la fin de la séance avec son enseignante.
Il est demandé au professeur d’EPS, membre du GAR, d’essayer d’observer Lucie afin d’apercevoir ses marques et ainsi de pouvoir lancer une prise en charge de la situation par la CPE et l’infirmière.
A la séance suivante, le professeur parvient en effet à voir un bras de Lucie, il lui demande alors de venir le voir à la fin du cours. Lucie semble inquiète lorsqu’il l’interroge sur ce que signifient les marques qu’il a vu. Elle se met assez vite à pleurer et le professeur lui propose d’aller voir la CPE pour pouvoir en discuter. Lucie accepte.
La situation sera ensuite prise en charge avec l’infirmière, la famille sera mise au courant, l’élève sera aidée par un suivi psychologique à la Maison des Adolescents.

L'essentiel à savoir

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Traiter d'une violence contre soi-même


Un(e) adolescent(e) qui ne va pas bien est presque un lieu commun de l’imaginaire collectif, un propos bien admis. Dans le contexte de la crise sanitaire, la santé mentale des jeunes s'est de surcroît particulièrement dégradée. À l’adolescence, les comportements d'auto-agression sur le corps sont particulièrement fréquents. Ils mêlent destructivité et rejet d’un corps sexualisé. Ils peuvent prendre différents visages allant des mutilations jusqu'aux tentatives de suicide, en passant par les troubles de conduites alimentaires. Selon l'OMS, les troubles mentaux représentent 16 % des troubles chez les 10-19 ans. Il est donc inévitable qu'au sein de nos établissements s'expriment les signes de troubles et de difficultés psychiques.
Le témoignage précédent montre que l'accompagnement des jeunes dans l'établissement est fondé sur les leviers essentiels de regards croisés, collaborations et actions concertées. Le service de Vie scolaire qui prend en charge les jeunes hors temps de classe est en première ligne pour déceler le mal être éventuel qui peut être plus facilement dissimulé pendant les temps scolaires, en classe. Cependant le lien avec l'ensemble de l'équipe éducative est souvent essentiel, facilitateur pour une prise en charge appropriée des difficultés. En effet, bien que des personnels soient clairement identifiés pour la prise en charge des difficultés médicales liées à la santé mentale notamment, les jeunes choisissent parfois d'autres adultes pour manifester leur détresse, de manière directe ou indirecte. Il est important de respecter ce choix de se relier avec une personne qui inspire confiance et qui sera le premier maillon d'une chaîne d'éventuelles interventions pour les aider à résoudre leurs difficultés. Une confidence ou un "signe" plus ou moins clair, même s'il s'accompagne d'une demande de secret, est toujours signe d'une volonté d'être aidé(e).

Ainsi un(e) enseignant(e), par la relation qu'il/elle a pu instaurer en classe, par sa personnalité, peut avoir été "choisi(e)" pour des raisons généralement inconscientes pour être le/la dépositaire de l'expression d'une difficulté, d'une confidence. La fonction d’éducateur au sens large est en jeu, parfois sans y avoir été réellement préparé. L'adulte risque alors d'avoir une réaction non appropriée dans la relation plus intime qu'il lui est proposée d'avoir. Il s'agit pourtant de ne pas perdre de vue que la posture professionnelle, adaptée selon la personnalité de chacun, est le cadre qui permet d'accueillir la parole du/de la jeune. D'ailleurs celui/celle-ci ne s'y trompe pas, c'est justement parce qu’il/elle a repéré ce que cette posture avait de rassurant, clair et soutenant qu'il/elle est allé(e) solliciter cet adulte-là. Il s'agit donc, pour l’adulte, d'accueillir la parole du/de la jeune et surtout de ne pas rester seul avec le poids émotionnel que cela peut provoquer.
Dans la situation proposée, le dispositif Groupe Adulte Relais, fondé sur des échanges qui permettent une analyse co-construite, a permis d'élaborer une réponse adaptée à une situation difficile à évaluer. Ce dispositif qui permet de partager des points de vue sur des jeunes en construction dans le contexte particulier des établissements, permet de prendre en considération chaque jeune dans sa globalité et donc dans ses différences.
Il est important de repérer l'aspect fondamental pour la réussite de la stratégie d'aide proposée, de la cohérence des interactions autour du jeune et de la confiance mutuelle entre les différents acteurs.
Cependant, tous les établissements n'ont pas mis en place de GAR et certains s'organisent selon d'autres modalités pour penser un accompagnement des jeunes autour d'une complémentarité des postures et des missions des différents acteurs de l'équipe éducative. Les partenariats forts entre la Vie Scolaire, les infirmier(e)s et les enseignants sont souvent présents. D’autres formes d'espace de concertation ou d'échanges sur les problématiques des élèves permettent de gérer les situations, le plus souvent pour favoriser le relais vers les professionnels ressources sur le territoires dont vous trouverez la liste dans les ressources ci-dessous.

Ressources

Les relais médicaux sociaux


La Maison des Adolescents: la (MDA) a pour mission d'informer, de conseiller, d'accompagner les adolescents, leurs familles et les acteurs au contact des jeunes. La MDA répond aux questions que se posent les adolescents : les relations aux autres, à la famille, aux amis, la relation au corps, à la puberté, à la sexualité, à la consommation de drogues, à la violence, à la prise de risques; etc. L’idée est d’aider les jeunes et leur entourage sur tous les sujets qui préoccupent cette tranche d’âge. Les accompagnements sont anonymes, gratuits et sans rendez-vous.

Les centres médico-psychologiques (CMP) sont des unités d'accueil et de coordination pour des soins psychiatriques en milieu ouvert, offrant prévention, diagnostic, soins ambulatoires et interventions à domicile.

Les Centres Médico-Psycho-Pédagogiques (CMPP) sont des services médico-sociaux assurant des consultations, des diagnostics et des soins ambulatoires pour des enfants et adolescents de 0 à 20 ans. Les CMPP sont fréquemment consultés en première intention dans le cadre de troubles psychiques, avec des manifestations symptomatologiques, comportementales ou instrumentales variées et pour lesquels il est difficile de faire un lien avec la gravité de la pathologie sous-jacente

Le Point Accueil Ecoute Jeunes s’adresse « en priorité aux adolescents et jeunes majeurs de 12 à 25 ans rencontrant des difficultés : conflits familiaux, échec scolaire, violences, délinquances, consommation de produits psychoactifs, … ». L'accueil est organisé pour permettre un accès sans condition, il est gratuit et anonyme.

Le/la Psychologue libéral(e) "partenaire "de l'établissement : leurs relations de proximité, en particulier dans les territoires les plus isolés peuvent permettre de faciliter l'accès à des prises en charge.

Le/la médecin en lien avec l'établissement.

Les référents prévention partenaire de l'établissement (association, gendarmerie....).

Le numéro vert 119, allo Enfance en danger.

Des ressources écrites


Le carnet de santé RESEDA Groupes Adultes Relais pour vous aider à les créer et les animer.
Un référentiel de bonnes pratiques pour gérer les comportements à Risques

Bibliographie

Perret-Catipovic, M. (2004). Le suicide des jeunes. Comprendre,,accompagner, prévenir. Ed Saint-Augustin.

Pommereau, X. (1997). Quand l'adolescent va mal. Ed J'ai lu.

Le Breton, D. (2003). L'adolescence à risque. Ed Hachette littératures.

Le Breton, D. (2016). Corps et adolescence . Yapaka.

FAQ

  • Comment s'articulent les notions de secret professionnel et de notion de secret partagé ?

Pour en donner une définition courte,le secret professionnel est l’interdiction faite à celui qui y est soumis de divulguer les informations dont il a été dépositaire.
Ainsi, selon le code pénal, on est soumis au secret professionnel de par son état, sa profession, sa mission ou ses fonctions.
Le médecin scolaire, l’infirmière scolaire autant que l’assistante sociale sont des personnels soumis au secret professionnel de par leur profession.

L’article 226-14 du Code Pénal introduit par la loi du 2 janvier 2004 impose ou autorise la révélation du secret professionnel en faveur des mineurs, objets d’agressions sexuelles :
La révélation de sévices ou privations, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes sexuelles à l’encontre d’un mineur ou d’une personne qui n’était pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, qui lui permettent de présumer que des violences physiques,sexuelles ou psychiques ont été commises.
L’article 434 alinéa 3 du Code Pénal sanctionne la non dénonciation des mauvais traitements ou des atteintes sexuelles infligés à un mineur de 15 ans.
La jurisprudence souligne que la loi du 10 juillet 1989 fait obligation à l’ensemble des services et établissements publics et privés susceptibles de connaître de la situation de mineurs maltraités, de signaler de tels cas dès qu’ils en ont connaissance. En conséquence les professionnels, sauf dans les cas où ils sont déliés de leur obligation de secret prévue à l’article 378 du Code Pénal, sont tenus de révéler les atteintes aux personnes dont ils ont connaissance. C’est le cas de tous les personnels de l’Éducation Nationale.

  • Peut-on poser "toutes les questions " à un(e) jeune dont la situation nous inquiète ?

Chaque personne possède les ressources, parfois enfouies mais toujours présentes, de reconnaître ce qui est bon pour elle. Les questions que l'on peut s'autoriser à poser à un(e) jeune pour qui l'on est inquiet(e), seront motivées par la sincérité du soucis de l'autre. Le respect, l'authenticité dans l'échange, montrent que l'on est digne de confiance.
Utiliser la reformulation, montre que l'on fait l'effort de compréhension pur et simple de ce que l’autre veut exprimer, et peut l'encourager à se livrer davantage.
Ainsi poser la question d’idée suicidaire est important dans le contact avec l’adolescent dépressif : lui donner à penser que vous pouvez penser qu’il y pense contribue à nouer un dialogue précieux. Au passage, redisons qu’évoquer avec lui une idéation suicidaire n’a jamais donné de telles idées à l’adolescent qui n’en avait pas…

  • A-t-on le devoir de signaler une situation même en cas de simples "soupçons "?

En tant que membre de l'équipe éducative, il ne faut pas oublier que l'on n'est jamais seul face une situation d'élève. Les CPE, Infirmier(e)s, personnels de direction sont aux côtés des autres adultes de l'établissement pour prendre le relais de situations délicates relevant d'un accompagnement au delà de l'acte pédagogique. La notion d'équipe et de la confiance en son sein, doit permettre, dans l'intérêt du jeune, de partager des informations délicates.
Si vous êtes inquiet pour la situation d’un enfant, la décision de faire un signalement sera prise à plusieurs, en accord avec le chef d'établissement. Prendre la « lourde » décision de faire un signalement n’est pas une tâche facile. On se pose mille questions. Ai-je prise la bonne décision ? Qu’arrivera-t-il ensuite ? Vais-je briser des liens familiaux ? Toutes ces questions sont justifiées, mais c'est aux services compétents de statuer sur les informations qu'ils reçoivent, et de décider des suites à donner. On a le devoir d’agir au nom des jeunes et parfois de raconter leur situation à des personnes d’autorité qui auront le pouvoir d’améliorer leur sort.

  • Peut-on renvoyer chez lui/elle un(e) élève qui se met en danger ?

En lien avec avec la notion d’assistance en personne en danger, et bien entendu en parallèle d'un travail de collaboration et d'accompagnement de la famille du/de la jeune concerné(e), le chef d'établissement peut demander à ce que l'élève reste à son domicile pour y être accompagné de manière adaptée, et recevoir les éventuels soins nécessaires. En cas de difficultés voire de refus, l'infirmière peut mobiliser l'intervention d'un médecin, de services d'urgences (éventuellement psychiatriques) qui pourront prendre à charge la situation. Une situation très conflictuelle et une impossibilité à communiquer avec une famille autour de la santé de l'enfant peut aboutir à un signalement auprès de la justice et/ou des services sociaux.

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